Éric Martin, le combattant de Verdun
Éric Martin avait deux cœurs et quatre poumons. C'était un battant de premier ordre. Inlassable dans ses conquêtes du ballon, dur au mal, le milieu de terrain nancéien a commencé et achevé sa carrière à l'ASNL, après un passage à Paris. Nancy est le club dont chaque soubresaut résonne jusqu'au fond de sa poitrine. Il continue d'ailleurs de le servir passionnément.
Il ne s'avouait jamais battu. Il lui est arrivé d'être blessé en milieu de semaine et d'oublier son entorse de la cheville au point d'être en mesure de jouer le samedi suivant ! « C'est peut-être parce que j'ai beaucoup donné, dit-il, que mes articulations sont foutues aujourd'hui. » S'il a disputé son premier match à l'aile gauche contre le FC Metz, c'est bien au milieu de terrain que ce va-t-en-guerre a laissé libre cours à son tempérament : offensif ou défensif, chacun des postes de distribution ou de récupération lui convenait. Au marquage, il ne craignait personne et aucune des tâches que lui confiaient ses entraîneurs ne l'effrayait.
« J'en ai neutralisé des meneurs de jeu, se souvient-il. Et quelqu'un comme Safet Susic dont je suis devenu le coéquipier sous le maillot parisien, m'a confié un jour qu'il avait été soulagé de me voir assis à ses côtés dans le vestiaire du Parc des Princes ! » Éric Martin a livré quelque 380 matches officiels, le plus souvent en Division 1 (environ 350) et il lui en est resté le sentiment que l'esprit club est bien le meilleur des carburants que puissent utiliser les joueurs. « Pour l'ASNL, j'aurais tout donné, témoigne-t-il. J'avais tellement envie de lutter pour le maillot. »
C'est pour cette raison que Michel Platini, alors vice-président de l'AS Nancy-Lorraine au côté de Jacques Brzezinski et Jean-Michel Moutier, lui a tendu la main un beau jour de 1989. Nancy était en D2 et cherchait à faire une équipe capable de viser la montée parmi l'élite. « J'ai besoin de toi, lui glissa l'ancien capitaine de l'équipe de France. Je jouais au PSG et j'avais encore la possibilité de rester en D1, mais je me suis laissé tenter par la proposition de Michel. Je suis revenu à Picot et l'on est monté. Fernando Zappia avait été, lui aussi, alléché par le projet des dirigeants. »
Deux buts contre Metz !
Tintin n'était pas un buteur-né, son jeu tournait plutôt autour de la vaillance et de l'abattage. Pourtant, il fit un jour basculer le derby contre Metz en inscrivant les deux buts de la victoire nancéienne au stade Marcel-Picot, ce que Michel Ettorre n'est pas près d'oublier ! La pluie avait rendu la pelouse glissante et le ballon insaisissable. Gava, Rabesandratana, Zitelli comptent parmi ceux qui ont œuvré pour la réussite de Nancy-Lorraine. Quelle soirée mémorable que cette victoire à panache contre Strasbourg (4-3) !
A Paris, entre 1986 et 1989, Éric Martin a côtoyé de grandes figures du football français: Susic, Bats, Bibard, Ayache, Bocandé, Halilhodzic, Rocheteau. Il était le seul à n'avoir pas de statut international. Et pourtant, il accomplissait son devoir avec cran. « J'ai toujours considéré, dit-il, que je faisais un formidable métier et que je ne devais pas l'accomplir à moitié. » Voilà bien une valeur qu'il avait dû puiser chez Stéphane Brezniak, l'entraîneur de Verdun qui lui avait fourni ses premières notions de courage et d'application dès l'entame des années 65. Brezniak n'avait-il pas été, lui-même, un bel élément, comme Hervé Collot, Michel Chevalier et d'autres, de la saga FC Nancy...
Quelque trente ans plus tard, Éric Martin met ses connaissances du milieu au service de l'AS Nancy-Lorraine. Les agents de joueurs, les matches ici et là, les coups de téléphone, tout ça, c'est Tintin, silhouette arrondie, barbe blanchie par les années. Éric est fidèle, fidèle à Nancy-Lorraine, fidèle à Jacques Rousselot. Le président a mobilisé toutes les énergies autour du projet de remontée dont sont porteurs Patrick Gabriel et Vincent Hognon. Éric Martin, le vieux professionnel aux genoux cabossés, a sa part à accomplir. Il l'assume. Sans rien revendiquer.
Christian PORTELANCE
Journaliste honoraire, auteur du livre AS Nancy-Lorraine, des épopées et des hommes (éditions Alan Sutton, collection Mémoire du Football), parution en 2007.
De Marcel-Picot au Parc des PrincesLisons une petite page d'histoire. Ils sont un certain nombre à avoir, comme Éric Martin, porté successivement les couleurs de Nancy et du Paris Saint-Germain. Dans une carrière de footballeur, tout le monde ne peut se targuer d'accomplir ce glorieux parcours. Prenons donc plaisir à énumérer quelques-uns des éléments que le club de la capitale a pris sous sa coupe après que ceux-ci eurent endossé le maillot nancéien: Denis Bauda, Philippe Jeannol, Jean-Michel Moutier, Bruno Germain, Jean-Philippe Séchet, Frank Gava, Éric Rabesandratana. Dominique Lokoli n'a pas fait le trajet dans le même sens. Il a commencé à la Porte de Saint-Cloud pour enchainer sur Marcel-Picot. Et c'était un formidable défenseur. |