

Milieu de terrain au poumon d’acier, Paco Rubio a fait partie de l’épopée de Coupe de France en 1978. International olympique, il a été l’un des lieutenants de Michel Platini. Ce qui n’est pas rien.
Lorsque le football nancéien se tourne vers les temps d'autrefois, il n’oublie pas de faire une place à Paco Rubio. Parce que Paco Rubio, c’était quelqu’un. Il avait tout pour lui, la fidélité, l’audace, la générosité, le tout mariné dans une sauce goguenarde et guillerette dont les plus anciens des supporters de l’ASNL se tapissent délicieusement le palais. « Le foot a changé, constate avec quelque amertume Paco. Hier, il avait les traits de la passion, aujourd’hui il est revêtu de business. Nous, on n’avait pas d’agents, on se débrouillait pour nos contrats. C’est peut-être pour ça qu’on n’a pas gagné beaucoup d’argent ! »
A 55 ans, Paco Rubio fait toujours partie de la grande famille du football. Il est conseiller technique à la Ligue de Paris-Ile de France, et a en même temps une mission fédérale puisqu’il a la responsabilité des filles de l’équipe de France 17 ans. « La retraite, je n’y songe pas, dit-il. On verra cela plus tard. Ce qui m’ennuie, c’est de ne plus pouvoir jouer. Le temps me manque. » Paco Rubio a réalisé de grandes chevauchées sur les terrains de France et de Navarre. Sa chevelure claire bondissait sur sa nuque quand il enchaînait les montées balle au pied, il était plus qu’un joueur de club : il était un équipier modèle et souvent décisif. Michel Platini avait pour lui une réelle admiration et s’il le secouait parfois, c’est parce qu’il le savait doué et capable d’apporter davantage encore à l’équipe.
Trente ans après, il n’est pas rare qu’on présente Paco, référence majestueuse, comme quelqu'un qui a joué avec Michel Platini. « Et moi, je réponds que c’est Platini qui a joué avec moi ! », se marre Rubio, l’un des admirateurs inoxydables de l’ex-capitaine de l’équipe de France devenu président de l’UEFA. Que de barouds ont-ils menés ensemble, aussi bien en Division 1 que dans la sélection olympique où ils étaient également complices jusqu’à gagner leur billet pour les JO de Montréal !
« Le Lycée Papillon, se rappelle Paco Rubio, c’était notre bonheur de vivre. Avec les copains, on ne pensait qu’au football. A l’ASNL, on s’est réellement fait plaisir. » Olivier Rouyer, Carlos Curbelo, Philippe Jeannol, Jacky Perdrieau, Jean-Michel Moutier et tant d’autres témoigneraient de cet heureux temps où les résultats tombaient dans l’escarcelle du club, pour le plus grand plaisir de Claude Cuny et Antoine Redin, les pionniers. « M. Cuny a réussi de belles choses pour le football nancéien. Il était dur en affaires, mais il pensait à nous, les joueurs. »
La victoire en finale de la Coupe de France, le 13 mai 1978 au Parc des Princes, constitue le seul trophée de la carrière de Rubio. Hormis une montée en D1 avec l’OM, il n’a rien obtenu. Aussi ce tour d’honneur parisien, sous l’œil défait de l’OGC Nice et le regard pétillant de bonheur de Sylvain Jannaud, l’ami à la vie ravagée par un terrible accident, laissera à jamais crépiter une étincelle de lumière dans la mémoire de Paco Rubio.
« Cette victoire en Coupe de France, dit-il, c’est un formidable moment de ma vie professionnelle. Je le garde au fond de moi comme un trésor, mais j’ai vécu beaucoup d’autres instants exceptionnels pendant ma carrière. Ce match de championnat à Nice (leader de Division 1) où nous l’avons emporté 7-3, avec une prestation galactique de Michel Platini, quelle épopée ! Mais si j’ai un regret à formuler, c’est notre élimination devant le Servette de Genève en Coupe d’Europe, après une qualification aux dépens de Copenhague. On avait les moyens de passer ce tour et de poursuivre l’aventure un peu plus loin. Il aurait fallu gagner le match aller en Suisse, où j'avais inscrit un but. »
Rubio était un avaleur d’espaces, il n’était jamais à bout de ressources. Un grand monsieur comme Carlos Curbelo dit souvent que Paco n’a pas obtenu la consécration internationale qu’il eût méritée. Venu de Montluçon où l’avaient repéré les recruteurs de l’AS Nancy-Lorraine, le chevalier blond ne choisissait pas les matches où il aurait pu lever le pied. « Pour moi, il n’y avait pas de différences entre Saint-Etienne et Laval. Le match nécessitait un engagement de quatre vingt-dix minutes et je m’arrachais toujours. »
Nancy reste l’un de ses points d’ancrage, quoiqu’il n’y vienne plus très souvent. Le parcours de l’ASNL intéresse cet habitué du Parc des Princes et il n’était pas question que Paco manquât le rendez-vous du quarantième anniversaire auquel l’avait convié Jacques Rousselot, un soir de novembre 2007. Lorsqu’il remet les pieds à Marcel-Picot, dont le profil n’est pourtant plus celui des années 70-80, il revoit quelques-unes des scènes dont il a jadis participé à la signature du contenu. « L'ASNL, résume t-il, c'est une grande partie de ma jeunesse et de mes joies de footballeur. » Paco, ton beau maillot rouge et blanc est la tunique dont les anciens n'ont pas fini d'habiller leurs souvenirs. Et, pour beaucoup, Marcel-Picot a un petit air nostalgique de Marcel Paco.
Journaliste honoraire, auteur de « AS Nancy-Lorraine, des épopées et des hommes » (Editions Alan Sutton, collection Mémoire du Football).