Stephen, buteur en kilt
L'avant-centre écossais Ray Stephen a passé six belles années sous le maillot nancéien. Il demeure aujourd'hui l'un des étrangers les plus sentimentalement attachés à l'AS Nancy-Lorraine. La soixantaine de buts que l'enfant d'Aberdeen a inscrits au bénéfice de son club de cœur comptent parmi les moments épiques de l'histoire de l'ASNL.
Ray Stephen, c'est d'abord un sourire dessiné sur une bouille ronde. Un type sympa qu'on aurait envie d'inviter chez soi à l'occasion d'un repas entre copains. C'est aussi un avant-centre de devoir, un footballeur moins sensible au caprice des saisons qu'au désir de mener à bien les missions qui lui étaient assignées. Ray Stephen savait que Nancy l'avait fait venir pour gagner des matches et il n'avait en tête que l'intention de s'acquitter de sa tâche. L'Écossais a mis les pieds à Marcel-Picot, offert à l'ASNL par les Centres Leclerc ! L'affaire avait défrayé la chronique à l'époque. Le club au chardon ne nageait pas dans l'euphorie économique et financière et ce cadeau tombé du ciel avec la bénédiction gourmande d'Arsène Wenger et Aldo Platini qui avaient jugé de visu en se déplaçant spécialement à Dundee, de la valeur du joueur, a été apprécié à sa juste valeur.
Ray Stephen a signé une petite soixantaine de buts entre 1986 et 1991. « J'aimais faire trembler les filets, raconte-t-il. Lorsque j'étais très jeune, je jouais au milieu du terrain, mais je trouvais que j'étais un peu loin du but et je me suis rapproché de la cage en devenant avant-centre. » Dès son premier match sous les couleurs nancéiennes, Ray s'est senti transporté par de brûlantes sensations d'ivresse, puisqu'il marqua deux fois devant Toulouse. En une heure et demie, Marcel-Picot comprit qu'il avait sous les yeux sa nouvelle coqueluche. « Je peux dire que j'ai trouvé beaucoup d'amitié auprès du stade de Nancy et de son public, témoigne aujourd'hui encore l'Écossais. L'ASNL est le club de mon cœur et j'aime venir la voir évoluer lorsque j'en ai l'occasion. »
Britannique jusque dans les plis du kilt qu'il lui arrivait de porter dans les grandes occasions, Ray Stephen avait le sang fier des attaquants bien trempés. Il a plusieurs souvenirs en tête, mais celui qu'il conservera tant que sa mémoire lui restera fidèle, c'est la victoire de l'AS Nancy-Lorraine sur Strasbourg (4-3) destinée à saluer le retour du club en Division 1, à l'aube des années 90. « C'est en effet, appuie Ray, un instant inoubliable. Robert Dewilder m'avait nommé capitaine cette année-là et j'avais réussi deux buts dans un stade complètement chaviré de bonheur. »
« Les belles années de ma vie »
Stephen s'entendait bien avec Zitelli. Les deux compagnons d'offensive ont leur nom dans la légende, comme tant d'autres. Le poste d'avant-centre, bien qu'il ne ressemble plus tout à fait à celui d'aujourd'hui tant la tactique a changé, fait rêver. Et l'ASNL en a connu de merveilleux, de Blanc à Cascarino en passant par Castronovo, Martinez et Dufresne. Ray Stephen figurera à jamais dans la galerie de portraits lorrains.
L'attaquant écossais a voyagé entre D1 et D2. Il a pris plaisir à s'engager dans toutes les luttes pour conquérir le ballon et en faire le meilleur usage dans toutes les zones de jeu. Rarement slogan nancéien aura été adapté avec autant de pertinence aux élans et la personnalité de Stephen que la harangue historique de l'ASNL: « qui s'y frotte s'y pique ». La cinquantaine au balcon, Ray Stephen enseigne aux jeunes la passion du football qui l'a soulevé depuis l'enfance. Sûr que là-haut, en Écosse, dans les frimas de l'hiver, il leur parle du bon vieux temps où il laissait ses joues rouges recevoir sans broncher le fouet cinglant des rafales venteuses de la Forêt de Haye. « Ce sont les belles années de ma vie », souligne Stephen.
Christian PORTELANCE
Journaliste honoraire, auteur de l'ouvrage AS Nancy-Lorraine, des épopées et des hommes (éditions Alan Sutton, collection Mémoire du Football).