Vahirua: Le footballeur du bout du monde

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Articles · 30/12/2010 à 08:54
30/12/2010 • 08:54

On ne devient pas footballeur professionnel sans sacrifice. Marama Vahirua peut en témoigner. Originaire de Moorea en Polynésie française, il a quitté son île paradisiaque et toute sa famille pour faire carrière à l’autre bout du monde.

« Je voulais être surfeur professionnel » confesse Marama Vahirua. Un père entraîneur de football et un incroyable don avec le ballon en décideront autrement. « Depuis mon départ vers la France, je ne suis plus remonté sur une planche. C’est fini le surf pour moi aujourd’hui. En revanche, il m’arrive encore de faire des courses de pirogues avec des copains. Mais, je n’ai pas le niveau. Courir et pagaïer, c’est très différent. »

Marama préfère dribbler. C’est ce qu’il a appris sur les plages de son île de Moorea, à plus de 17 000 kilomètres de la métropole. « Les seuls terrains mi herbe mi-terre de l’île étaient plus ou moins privés et il était plus facile de jouer au bord de la mer. Mais, on n’a pas de grandes plages de 15km de long comme au Brésil. C’était donc toujours de petites surfaces avec des buts délimités par des branchages ou des noix de coco. Il n’y avait pas beaucoup d’espace et tu avais tout de suite cinq ou six mecs sur toi dès que tu recevais le ballon. Il fallait donc être rapide et avoir toujours un temps d’avance ».
Premier match avec l'ASNL
C’est ce que lui conseillait son papa, l’entraîneur de Temanava. Il est pour beaucoup dans la réussite de Marama. « Il me demandait plus qu’aux autres car il a toujours voulu que je devienne pro. Il me laissait faire sur le terrain puis on parlait de mes prestations après chaque match. J’étais déjà en avance sur les jeunes de mon âge mais il me faisait sans cesse des petits reproches pour que je continue à avancer. » 
Pour améliorer sa technique, mais ce n’est certainement pas son papa qui lui a suggéré l’exercice, Marama utilise une étagère de la maison familiale. Ses défis consistent à envoyer une balle de tennis dans les différents compartiments. Une idée à déconseiller pour tous les enfants qui ne veulent pas être privés de ballon.

 

Nantes plutôt qu'Auxerre

Scotché devant Téléfoot chaque dimanche matin, Marama rêve d’imiter son cousin Pascal, parti dribbler dans le couloir gauche de l’AJ Auxerre. Mais, c’est aussi un gamin insouciant d’une douzaine d’années capable de sécher un match de détection pour aller faire du surf. « Cela mettait mon père en colère, car il faisait tout pour que je me fasse remarquer. Dès qu’un dirigeant d’un club français venait sur mon île, il s’arrangeait pour me faire jouer dans une équipe. Mais, ça n’a jamais marché (rires) ».

Marqué de près par Mathieu ChalméC’est finalement sur des pelouses gelées de l’hexagone qu’il va se faire repérer. Âgé de seulement quinze ans, Marama évolue déjà avec l’équipe première de l’AS Pirae et se déplace en France pour disputer un match de coupe de France contre Saint-Priest. Il ouvre le score après dix secondes de jeu et enchaîne par un essai à l’AJ Auxerre.

Guy Roux est conquis mais se heurte au refus du gamin qui n’apprécie pas l’hiver bourguignon. Grâce à un ami tahitien de Jean-Claude Suaudeau, il revient en France quelques mois plus tard. « Nantes au mois de mai, ça change tout, souligne Marama. Il y a avait du soleil et la mer. Mais, je devais aussi m’adapter à la mentalité des centres de formation. Quand un joueur est meilleur que toi, tu dois tout faire pour passer devant lui. Cet esprit de compétition n’existait pas sur mon île. Je devais donc grandir et je n’en avais pas envie. »

 

Le mal du pays

Sa première année à la Jonelière est difficile. Vingt-quatre heures d’avion le séparent de sa famille. Marama patiente jusqu’aux vacances de Noël pour retourner sur la petite sœur de Tahiti. « À la fin des deux semaines, je n’ai pas repris l’avion. Le club m’appelait sans cesse pour que je revienne. Moi, je voulais casser mon contrat. Au bout d’un mois et demi, mon père m’a convaincu de retourner à Nantes. Il m’a demandé de terminer la saison et de rentrer définitivement si cela se passait mal ».
Un dompteur de ballon

Tout va heureusement s’accélérer pour Marama qui débute en pro quelques mois plus tard sur la pelouse du Havre. Sa carrière débute lentement, avec seulement une douzaine de matchs par saison, mais lui offre déjà quelques grands moments de bonheur. Lors de la dernière journée de la saison 1999/2000, son premier but en L1 sauve le FC Nantes de la relégation et condamne du même coup l’ASNL à cinq années de purgatoire. Il offre ensuite le titre de champion de France aux canaris la saison suivante en inscrivant l’unique but de la rencontre face à Saint-Etienne. « Ce bon départ m’a joué des tours, regrette-t-il aujourd’hui. Je ne me suis pas enflammé mais je me suis un peu relâché et je n’ai pas confirmé. À 19 ans, on pense surtout à sortir entre potes. Comme c’était venu tout seul jusque-là, je pensais que cela allait continuer aussi facilement. Ce n’était pas la bonne mentalité. »

 

Le plaisir avant tout

Marama rectifiera le tir par la suite et affiche aujourd’hui une carrière sans faille. Pendant que d’autres tentaient vainement leur chance à l’étranger, Tahitigoal enchaînait les matchs en Ligue 1 sous les maillots de Nantes, Nice puis Lorient. « Ce n’était pas vraiment un choix. Disons que je véhicule une image de famille et de simplicité et que je n’ai intéressé que des clubs qui me ressemblent. Je ne le regrette pas du tout car j’ai vécu des moments très forts dans chacun de ces clubs : le titre de champion à Nantes, la finale de la coupe de la Ligue avec Nice et une saison dernière magnifique avec Lorient. J’ai toujours privilégié les relations humaines et je préfère largement ce genre de clubs qui m’offrent énormément d’attaches. »

Face à Bordeaux en coupe de la Ligue

C’est aussi ce qu’il est venu chercher à Nancy où sa bonne humeur a déjà conquis tous ses coéquipiers. Les spectateurs de Marcel-Picot seront bientôt eux aussi sous le charme de ce joueur efficace et spectaculaire qui aime avant tout prendre et donner du plaisir. « Je ne cherche pas forcément le beau geste mais je n’hésite pas à le tenter si c’est nécessaire. Je ne suis pas là pour faire lever le public en faisant étalage de ma technique. Mais si je dois donner le ballon d’une talonnade ou d’un geste acrobatique parce que c’est la meilleure solution, je vais prendre le risque. »

Son fameux coup de pagaie, qui célèbre chacun de ses buts, est aussi un beau geste. C’est sa manière à lui de rappeler son amour pour son île natale. Il n’est pas pour autant forcément pressé d’y retourner faire des courses de pirogues. « J’ai déjà eu des contacts pour aider le football tahitien après ma carrière mais je ne me projette pas encore aussi loin. J’ai trois belles années à vivre à Nancy et espère même y rester un peu plus longtemps... »

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