Akichi : "J’aime relever les défis"

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Interviews · 26/03/2022 à 18:00
26/03/2022 • 18:00

D’Abidjan à Nancy, le parcours d’Edmond Akichi n’a pas été un long fleuve tranquille. Barré par une forte concurrence à Auxerre, il a dû ensuite batailler plusieurs saisons en amateur pour pouvoir revenir et s’imposer dans le football professionnel.

Quels sont tes premiers souvenirs liés au foot ?

Ce sont d’abord des matchs à la télé avec de grandes stars comme Ronaldinho. Je me souviens aussi d’un jeu avec les copains où celui qui marquait devenait le gardien. C’est en jouant dans le quartier que je me suis fait repéré par un centre de formation. Mes parents n’étaient pas d’accord, car ils voulaient que je poursuive les études. Pour eux, seule l’école pouvait garantir mon avenir. J’ai finalement réussi à convaincre à mon père, qui aimait aussi le foot. C’est parti tout doucement.

 

Tu es issu d’une famille de footballeurs ?

Je suis le dernier garçon d’une grande famille de neuf enfants. Mon père jouait au foot. Un grand frère aussi, mais il a arrêté après s’être cassé le bras. Aujourd’hui, il est médecin. L’une de mes sœurs a également tapé dans le ballon avant de faire de l’athlétisme.

 

Le foot était une opportunité pour t’en sortir ?

Les gens qui vont à l’école et obtiennent des diplômes ou ceux qui travaillent avec leurs mains s’en sortent bien. Moi, j’ai arrêté l’école en troisième. J’étais pressé de gagner ma vie. C’était un peu quitte ou double de tout miser sur le foot, car il n’y avait pas beaucoup de recruteurs à l’époque. Peu de joueurs partaient en Europe. C’était risqué, mais ça a payé. Il faut prendre des risques (sourire).

Edmond Akichi

Comment as-tu été repéré par l’AJ Auxerre ?

J’ai évolué deux ans à l’académie de football Amadou Diallo à Abidjan. C’est le centre de formation du président de la fédération Jacques Anouma. L’Europe nous faisait rêver et particulièrement le club d’Auxerre, car il y avait beaucoup de joueurs d’origines africaines comme Cissé, Kapo ou Fadiga. On voulait tous aller jouer là-bas. Un jour, un recruteur de l’AJA est venu pour un tournoi et a regardé l’un de nos matchs de championnat. J’étais en grande forme à ce moment-là et ils m’ont proposé un contrat professionnel.

 

Comment se sont passés tes premiers mois en Bourgogne ?

Les débuts ont étaient un peu compliqués. Ce n’était pas le même football qu’en Côte d’Ivoire. Les entraîneurs insistaient beaucoup sur le placement. C’était aussi plus rigoureux et exigeait davantage de travail et de concentration. J’ai réussi à surmonter cela, car j’aime relever les défis. J’avais été recruté pour compléter le groupe pro. C’était compliqué, car il y avait beaucoup de joueurs de grande qualité à mon poste. Il n’y avait aucune place à prendre. Je devais me battre à chaque instant.

 

C’était trop dur de piquer la place à Benoît Pedretti ?

C’était le boss (sourire) ! Il y avait aussi Delvin Ndinga, Alain Traoré ou l’international polonais Dariusz Dudka. J’ai beaucoup appris à m’entraîner avec de tels grands joueurs. Je savais que cela me servirait dans les années à venir, que j’aurais un rôle à jouer. Je ne pensais qu’à atteindre mon objectif, c’est-à-dire gagner ma vie et aider mes parents. Tout le reste ne me préoccupait pas. Je m’en foutais qu’il fasse plus froid qu’en Côte d’Ivoire. Je voulais juste réussir.

Edmond Akichi

Tu vas ensuite vivre quelques années de galère…

Lors de mon avant-dernier match avec l’équipe réserve d’Auxerre, j’ai pris un carton rouge et six ou sept matchs de suspension. Du coup, les clubs ont hésité à ma prendre, car je ne pouvais pas disputer les premiers matchs de championnat. Il y en avait plusieurs, dont Fréjus en National. Un agent m’a ensuite promis un contrat à Vejle en deuxième division danoise, mais m’a planté au dernier moment. J’étais dans le trou, mais je ne me suis pas découragé. Je suis finalement revenu grâce à Roye-Noyon puis Amiens en CFA. Je ne regrette rien, car ces étapes m’ont donné beaucoup de force. Je sais ce que c’est de devoir se battre.

 

On te voit souvent prier les mains vers le ciel avant les matchs. La religion t’a aidé dans ces moments difficiles ?

Sans la prière, je ne peux pas jouer au foot. Dieu passe avant tout. Ça m’a en effet aidé et ça m’a même sorti de la galère. Quand j’étais à Béziers, j’avais très envie de signer en Ligue 2. Tours me voulait, mais on n’a pas trouvé d’accord. J’ai donc signé au Paris FC en National tout en étant persuadé que cela me permettrait de jouer à l’étage supérieur. Durant la préparation d’avant-saison, on nous a annoncé qu’on était repêché en Ligue 2 pour pallier la relégation de Bastia. J’avais prié pour jouer à ce niveau et j’ai été exaucé.

 

Tu es donc monté très vite de la N2 à la Ligue 2. Il ne te reste plus qu’une marche à gravir…

Je veux jouer au moins un match en Ligue 1 ! Cela a toujours été mon objectif depuis que je suis arrivé à Auxerre à l’âge de 21 ans. Je suis certain que ce moment arrivera. Je l’attends de pied ferme.

Edmond Akichi

C’était ton objectif en signant à Nancy en 2019 ?

Oui, mais cela ne s’est pas passé comme prévu. Je ne regrette rien, car j’ai été très bien accueilli. C’est comme une famille ici. Quand je ne jouais pas trop en début de saison, Saliou Ciss m’a par exemple beaucoup aidé. Il m’a donné des conseils. Je ne pouvais pas rester comme ça. J’allais courir dans la forêt près de chez moi puis faisais un peu de gainage. J’ai tout le matériel à la maison.

 

Quels que soient les résultats, tu gardes toujours ta bonne humeur…

Cela vient de mes parents. Mon père rigole tout le temps, même quand il est fâché. Ma mère aussi. Ils m’ont appris qu’il ne fallait jamais montrer ses problèmes au travail. Il est important de ne pas oublier qu’il y a pire dans la vie que d’être footballeur. Il faut prendre autant de plaisir que possible, car ça va s’arrêter à un moment donné. C’est pour cela que je rigole tout le temps. Je suis toujours le premier à chambrer. C’est une tactique pour ne pas me faire chambrer moi-même, car je déteste cela (rires).

 

A 31 ans, est-ce que tu as le sentiment d’être à un tournant de ta carrière ?

Quand tu es en fin de contrat, tu es obligé de charbonner encore un peu plus. Mais, le plus important, c’est de faire une bonne saison avec le club. C’est le collectif qui nous fera briller. Les résultats ne sont pas là pour l’instant, mais on va se maintenir. Après avoir souffert pendant plusieurs saisons, un club comme Nancy va forcément retrouver des couleurs. Pour le reste, c’est Dieu qui décidera.

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