Le staff médical des pros

Retour
Interviews · 13/09/2022 à 10:00
13/09/2022 • 10:00

Deux kinés et un médecin assurent le suivi médical des joueurs de l'équipe professionnelle.

Sylvain Olivier (kiné)

Sylvain Olivier

Vous exercez comme kinésithérapeute depuis 32 ans. Est-ce que votre travail a évolué ?

Il y a surtout eu une grande évolution matérielle avec de nombreux nouveaux appareils. Cela fait par exemple une dizaine d’années que l’on utilise le Game Ready ® pour accélérer le processus de guérison. C’est un appareil qui combine la compression active et le froid. On s’est également équipé d’un cryobain pour améliorer la récupération des joueurs. Il y a tellement d’appareils qui existent que l’on ne peut pas tous les acheter. On se concentre sur les plus courants utilisés en technique sportive.

 

Est-ce que certains protocoles ont également changé ?

On doit en effet s’adapter à l’évolution de la médecine. On essaie de se former régulièrement avec des formations post-universitaires de quelques jours ou sur plusieurs semaines. On apprend aussi par des lectures ou des discussions avec des confrères ou des médecins. Les joueurs peuvent aussi nous informer des protocoles mis en place dans d’autres clubs. Pour les sportifs de haut-niveau, cela reste quelque chose de très cadré avec des phases de préparation, de récupération et de soins. Depuis quelques années, on s’adapte de plus en plus au joueur avec des soins personnalisés.

 

Comment imaginez-vous l’avenir de votre profession ?

En discutant avec des stagiaires, je me rends compte qu’ils utilisent de plus en plus de nouveaux appareils censés remplacer les mains. Avec Philippe (Saffroy), nous sommes d’abord des thérapeutes manuels. Il ne faut jamais oublier que c’est la base de notre métier. Avec nos doigts et grâce à notre expérience, nous avons un meilleur ressenti et pouvons ainsi travailler plus profondément au niveau de la pathologie. La kinésithérapie est une technique manuelle. Le massage fait partie intégrante de la récupération. C’est toujours plus efficace que de mettre le joueur sur une machine.

 

Philippe Saffroy (kiné)

Philippe Saffroy

Avec Sylvain Olivier, vous êtes en permanence avec l’équipe professionnelle…

Nous sommes présents avec le groupe lors de chaque entraînement, lors des stages et évidemment des matchs. Nous avons du travail la veille à l’hôtel pour décontracter les joueurs après un trajet en bus. Le jour de la rencontre, on intervient avant l’échauffement pour préparer les joueurs puis en cours de match et enfin après le coup de sifflet final pour soigner rapidement les bobos avant de rentrer. Nous venons également en forêt de Haye en dehors des heures d’entraînement pour assurer les soins des joueurs blessés ou opérés.

 

Est-ce que cette proximité avec les joueurs vous donne également un rôle psychologique ?

Il est même très important. Nous sommes l’intermédiaire avec l’entraîneur. On va lui dire certaines choses qui vont rendre service au joueur. On en taira d’autres. Nous sommes là pour les aider à résoudre leurs problèmes. Il faut que s’installe une relation de confiance. Cela se gagne au fil du temps. Quand un joueur arrive, on doit apprendre à le cerner et à comprendre son rapport à la douleur. On s’adapte. L’idéal est qu’il ait suffisamment confiance en nous pour respecter nos choix sans discuter. Comme nous sommes deux avec Sylvain, certains ont plus d’affinité avec l’un ou l’autre. C’est normal car tu ne feras jamais l’unanimité dans un groupe de trente joueurs. Il est en revanche important de toujours donner un avis commun. Quand on n’est pas d’accord, on en discute avec le médecin pour prendre une décision ensemble.

 

Est-ce que votre formation de kinésithérapeute vous a préparé à ce rôle psychologique ?

Non, ce n’est pas enseigné à l’école. On améliore son rapport avec les joueurs au fur et à mesure des années. On apprend tout le temps dans ce domaine. Rien n’est jamais acquis. Ils nous demandent notre avis sur leurs problèmes de la vie quotidienne. On parle aussi de leurs activités extérieures et bien sûr de football mais jamais de leurs performances à eux. Je n’y connais rien du tout (sourire). Il ne faut surtout pas empiéter sur le travail du staff technique. Chacun son rôle.

 

Frédéric Muel

Frédéric Muel

Est-ce différent de soigner des sportifs professionnels ?

C’est plus simple dans la mesure où l’on peut les voir tous les jours. C’est plus facile que de faire un diagnostic à un moment précis et de ne revoir le patient qu’en cas de problème. En revanche, avec des joueurs professionnels, on doit faire face à de multiples influences extérieures puisque d’autres médecins ou même des agents donnent leur avis.

 

Il est important de travailler en pleine confiance avec les kinés et le staff sportif ?

Évidemment. Nous formons une vraie équipe avec les kinés. C’est fondamental. On ne peut pas se permettre d’avoir des avis différents. Pour la confiance avec le joueur, c’est impossible. Il est aussi important d’avoir une bonne entente avec l’entraîneur. Même si la pression peut parfois être palpable, on l’évacue vite grâce à une relation de confiance entre le coach, le joueur et le staff médical. Au moment du diagnostic, on envisage une date de reprise et on en rediscute tous ensemble si le joueur se sent par exemple prêt à reprendre plus tôt.

 

Vous avez aussi un rôle très important durant les matchs…

Être médecin du sport de terrain, c’est un vrai métier. On n’est pas sur le banc de touche pour regarder le match. On doit voir l’action où le joueur se blesse. Durant le trajet où l’on court vers lui, on doit déjà savoir ce que l’on va aller chercher. Une étude a montré que l’on avait sept secondes pour établir un diagnostic. L’entraîneur attend de savoir s’il doit effectuer un remplacement. Il arrive que l’on demande au joueur de rester sur le terrain et de nous faire signe en cas de problème. On ne doit alors plus le lâcher des yeux. Certaines graves blessures sont toujours compliquées. Je me souviens d’une luxation du coude de Malaly Dembélé que l’on avait dû remettre sur le terrain. Ce sont des moments assez forts comme lorsqu’il a fallu suturer le crâne de Sergey Chernik à Marseille parce qu’on ne pouvait pas faire entrer de gardien remplaçant.

Flèche gauche Flèche droite