Perrin: "Le mécano d’une équipe"

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Interviews · 16/04/2019 à 08:44
16/04/2019 • 08:44

Formateur dans l’âme, Alain Perrin est tout aussi à l’aise dans le costume de l’entraîneur. Un rôle taillé sur mesure pour ce technicien atypique souvent en avance sur son temps.

Un entraîneur doit faire progresser les joueurs, composer une équipe et une stratégie, recruter de nouveaux éléments,… Qu’est-ce qui vous plait le plus ?

La compétition. Je me suis toujours considéré comme un entraîneur chercheur, mais aussi pragmatique. C’est-à-dire que je suis très en phase avec la réalité du métier qui est d’obtenir des résultats. C’est ça qui me challenge. J’ai envie de comprendre le jeu. C’est un peu comme un mécano. Moi, je suis un chauffeur du dimanche, qui met simplement de l’essence dans sa voiture. Le mécano est lui capable de démonter le moteur parce qu’il entend un petit bruit. J’ai l’impression d’être le mécano dans une équipe de foot. J’adore analyser les choses, regarder comment cela fonctionne et trouver des solutions quand il y a des problèmes.

 

Ce défi est peut-être plus excitant dans des clubs modestes comme Nancy, Troyes ou Sochaux ?

Chaque niveau a des problématiques et des gestions différentes. Dans des clubs moyens de première ou deuxième division, on est dans le cœur du métier. Il faut améliorer la technique, la tactique, la préparation de l’équipe. C’est différent dans les grands clubs où s’ajoutent des problématiques environnementales liées aux médias, aux supporters, aux agents ou aux carrières des joueurs.

Alain Perrin

Un entraîneur doit aussi assurer la gestion humaine de son groupe…

C’est fondamental. J’ai d’ailleurs évolué à ce sujet. Au début, j’étais focalisé sur les joueurs puis j’ai découvert que c’était aussi des hommes avec une histoire, des problèmes et des relations interindividuelles. Le management des individus et du collectif est de plus en plus important. Quand on compose une équipe de 11 à partir d’un groupe de 25 joueurs, cela créé forcément des difficultés de gestion qu’il faut être capable d’appréhender.

 

L’entraîneur adjoint peut être précieux dans ce domaine ?

J’ai découvert cette philosophie en travaillant à l’étranger. C’est bien d’avoir des entraîneurs adjoints locaux, qui connaissent la culture et parlent la langue. Cette mixité amène à la fois la technique et le relationnel. J’aime m’entourer de quelqu’un qui peut représenter un grand frère, qui sera proche des joueurs et facilitera la communication avec le staff. C’est le rôle de Benoît (Pedretti). Cela lui convient bien, car il est en transition. Il est en train d’apprendre le métier d’entraîneur, mais a toujours cette proximité avec les joueurs. C’est aussi le rôle que Christophe Galtier jouait dans mon staff (NDLR : les deux techniciens ont travaillé ensemble de 2004 à 2009 à Al Ayn, Portsmouth, Sochaux, Lyon et St-Etienne).

 

L’entraîneur peut aujourd’hui aussi compter sur tout un staff pour l’épauler…

Un, deux ou trois entraîneurs ne suffissent plus pour réaliser tout ce que l’on veut faire. C’est venu avec le développement du métier, la professionnalisation, les nouvelles technologies ou le suivi médical. L’entraîneur est désormais davantage un manager qui collecte beaucoup d’informations pour pouvoir ensuite prendre ses décisions.

 

Les techniciens utilisent en effet de plus en plus la vidéo pour préparer les matchs…

J’ai été un précurseur dans ce domaine. Aujourd’hui, à l’ère du numérique, des sociétés nous proposent des montages déjà prêts. Cela nous facilite le travail. Je me souviens avoir commencé en utilisant un double magnétoscope à cassettes ! J’ai également été le premier à utiliser les évaluations sous forme de statistiques parce que ma culture universitaire m’a permis de constater que le football était en retard sur d’autres sports. Le basket, le volley et d’autres utilisaient déjà des outils similaires.

Alain Perrin avec l'analyste vidéo Samir Chamma et le journaliste Romain Jacquot

Aujourd’hui, un entraîneur doit aussi gérer sa communication. Comment appréhendez-vous cette facette de votre métier ?

En travaillant dans des clubs comme Marseille ou Lyon, j’ai appris qu’il ne s’agit pas de simples échanges. Les journalistes ont une vision et une façon de pratiquer leur métier. L’entraîneur doit s’y adapter. C’est comme un jeu de rôle. Il est important de bien comprendre que les attaques des journalistes ne sont pas personnelles, mais visent l’entraîneur. Cela peut néanmoins être difficile à vivre. On peut ressentir de l’incompréhension, de l’injustice ou de la colère, puis on prend du recul par rapport aux articles.

 

Ce qui est encore plus nouveau, ce sont les réseaux sociaux...

Je ne suis présent sur aucun d’entre eux. Je suis encore de la génération avec un crayon et du papier (sourire). Je dois cependant être au courant de tout ce qui se dit, car toute erreur de communication est vite médiatisée, relayée et amplifiée. Ce qui peut être anodin, mal compris, mal interprété peut développer des bombes à retardement dans un vestiaire. Il faut être capable d’anticiper et de déminer tout cela.

 

Est-ce que vous arrivez encore à regarder du football rien que pour le plaisir ?

Uniquement les matchs de très haut niveau : la Ligue des Champions, l’équipe de France ou la Coupe du Monde. J’ai plaisir à les regarder avec un œil de technicien. Même si le match n’est pas spectaculaire avec peu d’occasions de but, je peux apprécier l’affrontement de deux blocs qui se neutralisent. Quand je regarde aujourd’hui un match de Domino’s Ligue 2, c’est en revanche toujours avec un objectif. Je scrute les adversaires, étudie leur jeu et les valeurs individuelles, car je ne connais pas bien les joueurs de deuxième division. Après trois voire quatre matchs d’une même équipe, ça va beaucoup mieux (sourire).

 

Parvenez-vous parfois à vous déconnecter totalement de votre métier ?

Jamais. Même lors d’une soirée amicale, à un moment donné, j’aurais des pensées « parasites » qui vont me ramener au match, à un choix, à un entraînement, à un joueur à qui je dois faire passer un message, à un adversaire, à ma composition d’équipe. Cela ne me dérange pas, car c’est ma passion. Je le fais sans contrainte. C’est pour me donner une chance supplémentaire de gagner. C’est cette volonté de réussir qui m’amène à essayer de contrôler le maximum de paramètres et d’être toujours en ébullition pour réussir à faire gagner l’équipe.

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