L'hommage d'un supporter à Mathieu Barbier

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Articles · 21/07/2015 à 12:11
21/07/2015 • 12:11

Mathieu Barbier ne commentera plus les matchs de l’ASNL la saison prochaine. Journaliste de formation, Colomban Errard a souhaité le remercier pour ses envolées lyriques et a publié un excellent dossier sur le forum du club. « J'ai voulu lui donner la parole autrement », précise ce fidèle supporter, qui nous a autorisés à reproduire ses textes sur asnl.net.

Tremblement de terre chez les supporters de l’AS Nancy-Lorraine. Mathieu Barbier, la voix de l’ASNL à la radio depuis 2002, vient d’annoncer qu’il ne commentera plus les matchs du club au chardon la saison prochaine. Comme un seul homme, les supporters de Marcel Picot ont réagi d’un vibrant :« Mais c’est pas possible ! ». Comme un écho à l’une des plus fameuses enflammades de l’intéressé.

Dernier match de la saison 2013/2014 à AuxerreMathieu Barbier, c’est le supporter numéro 1 de l’ASNL. On ne présente plus le « douzième homme », celui qui part dans des diatribes passionnées, dont lui seul a le secret. Chauvin comme le plus fidèle des ultras nancéiens, le journaliste a vraiment du sang rouge et blanc dans les veines. A plusieurs reprises, le commentateur vedette de France Bleu sud Lorraine a été filmé en action par ses collègues. Et quand on parle d’action, le mot est faible. Un de ses confrères peut en témoigner, lui qui assistait paisiblement à la rencontre Rennes-Nancy. Lorsque que Thomas Ayasse a marqué, Mathieu a exulté de joie. Et le matériel de l’infortuné journaliste a appris à voler ! « Je n’ai pourtant pas tapé fort ! », s’est excusé l’animateur de la Minute ASNL.

Parfois à la limite du caricatural, notamment dans ses critiques virulentes de l’arbitrage, le reporter fait (presque) l’unanimité. Depuis les travées de Picot - où certains écoutent ses commentaires l’écouteur vissé à l’oreille - comme partout dans la région, ou même au-delà pour les supporters exilés loin de leur Lorraine natale. Certains vont même jusqu’à suivre les images à la télévision en l’écoutant à la radio. Dans une interview accordée au site officiel de l’ASNL, Mathieu Barbier s’explique sur sa manière passionnée de transmettre l’information aux auditeurs. « Ils ont envie d’écouter un spectacle à la radio. On doit faire une photographie la plus exacte possible, la plus pédagogique possible. C’est de l’information, mais c’est aussi un spectacle ». Ou en bref : « Vous n’avez pas l’image, on doit être vos yeux et vos oreilles ».

Et pour faire durer le plaisir, un supporter de l’ASNL, doué de ses dix doigts, fait tourner les magnétoscopes et les magnétophones. Aux manettes, Rémi, alias « Hulk ». C’est l’inventeur, en 2008, de l’incontournable Barbier Show. Cinq à dix minutes d’images du match avec l’enregistrement sonore du direct de Mathieu Barbier en appui. Un cocktail détonant qui souligne bien tous les talents de commentateur du truculent reporter. On y retrouve ses bons mots, venus d’une autre planète. Mais aussi ses pronostics plus ou moins hasardeux, ses envolées lyriques et quantités de colères exprimées plus ou moins poliment à l’égard du corps arbitral. Parmi les supporters, on aime ou on déteste. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que Mathieu Barbier ne laisse personne indifférent.

L’interviewer interviewé…

Comment se passe un déplacement ?

Sois je pars avec l’équipe, sois je pars seul, le jour même, pour arriver au stade à la mi-journée. La causerie et la composition d’équipe se font avant le départ au stade vers 17h45. Je prends l’antenne à 19h30 jusque 22h00. C’est ma « cour de récré » ! Ensuite je vais recueillir les réactions d’après match, j’envoie le tout à la station. Puis je rentre le lendemain à la radio. Commenter quand l’ASNL est en Ligue 2, c’est un peu plus compliqué. Cela demande plus de préparation, car je connais moins les joueurs. Il y a moins d’anecdotes et c’est plus difficile de « meubler » lorsqu’il y a peu d’actions. En Ligue 1, je maitrise beaucoup mieux et je n’ai pas besoin de papiers ou de notes particulières.

 

Avez-vous une anecdote particulière lors d’un match ?

J’ai eu la honte de ma vie à Bordeaux. Un match de Ligue 1 en 2007-2008. Pablo Correa a décidé de mettre Gregorini à la place de Bracigliano, sans en parler à personne, au tout dernier moment. J’annonce la compo comme d’habitude, sans faire gaffe. J’ai mis six minutes à m’en rendre compte ! Mais comme je suis super honnête à l’antenne, j’avoue tout, je parle sans filtre de nos problèmes techniques ou de nos erreurs. Je l’ai donc annoncé et je m’en suis excusé auprès des auditeurs ! Autre secret inavouable, il m’est arrivé de commencer à commenter un match en bâillant. Le commentaire dépend beaucoup de mon état de forme. D’ordinaire je suis plutôt branché sur l’électricité et je termine souvent les matchs épuisé !

 

Justement, avez-vous vécu des moments particulièrement forts ?

La finale de la coupe de la Ligue a bien entendu été un très grand moment. Six heures d’antenne au stade de France. Mais on est un peu coupés de la fête à cause de la distance. L’aventure de la coupe d’Europe a aussi été extraordinaire. Le déplacement en Ukraine à Donetsk avec deux militaires en arme lourde pour nous protéger. Ça m’a un peu empêché de m’enflammer sur le but de Fortuné ! Et aussi le stade champêtre en Écosse à Motherwell, le déplacement de 9 heures à Schalke, dans un stade magnifique. On s’était plantés avec le GPS et on a bien cru ne jamais arriver à temps pour le coup d’envoi !

 

Le football est un milieu très superstitieux. Avez-vous des gri-gri ou des habitudes particulières ?

Bien sûr, j’ai mes habitudes à Picot. Mais je n’ai pas de truc fétiche ni de gri-gri. Plutôt une petite spécificité. Parfois, je réponds aux SMS quand je commente ! Et ça, ce n’est pas donné à tout le monde !

Commentateur, journaliste, animateur, supporter… lequel de ces qualificatifs vous convient le mieux ?

Sans fausse modestie – ce n’est pas le genre de la maison - j’ai réussi à faire venir certaines personnes au football : des personnes âgées, des mères de famille. Elles m’ont dit qu’elles écoutaient parce que c’était un spectacle à part entière. Les directs permettent à l’ASNL d’avoir une aura. Mais le produit reste l’ASNL, ce n’est pas le commentateur.

 

Puisqu’on parle de spectacle, un supporter de Nancy, Hulk, a inventé « Le Barbier Show ». Et vous avez aussi été « croqué » par Fuca, le caricaturiste qui illustre la vie de l’ASNL...

Je trouve ça extraordinaire que quelqu’un passe du temps à « commenter les commentaires » sur son temps libre. C’est admirable ! Au moins, si je meurs demain, mes proches garderont un petit quelque chose de moi ! C’est sincèrement émouvant venant de la part de quelqu’un que je ne connais pas. Pour les dessins de Fuca, c’est talentueux et bien senti. Il est inspiré par sa passion.

 

D’autres retours de la part des supporters ?

Cela va peut-être vous étonner, mais je n’ai aucun retour des supporters, je ne sais pas ce qui se passe autour de moi. Le forum ? Je n’y vais jamais, je n’ai pas de pseudo, c’est juste un réflexe que je n’ai pas. Je ne suis pas branché internet ni réseaux sociaux. Que ce soit en déplacement ou à Picot, j’ai peu de rapports avec les fans du club et je n’ai d’ailleurs jamais été sollicité en particulier. En revanche, j’ai un immense respect pour ces fans de foot. C’est objectif et ce n’est pas de la langue de bois. La vie de supporter n’est pas facile : cela représente un coût humain et financier, les longs déplacements entre autres.

 

Ils se demandent d’ailleurs si vous avez tenu votre parole de faire le tour de la place Stan en caleçon et à cloche-pied, un vœu formulé avant le match PSG-Nancy ?

Même chose pour un vœu semblable contre Motherwell (« Je fais le tour tout nu du stade et Laurent Pilloni nu à la place Stan ») ? (Rires) Je n’ai pas tenu ma promesse, et je tiens à m’en excuser auprès des supporters. Le commentateur sportif aurait pu le faire, mais cela poserait une question de crédibilité pour le journaliste politique. Quant à Laurent Pilloni, il aurait été capable de le faire, il aime montrer son corps (rires).

Le dessin de Fuca

On vous reproche parfois une forme de syndrome de Stockholm à l’égard du club…

C’est compliqué. Il est plus facile d’être proche d’un club de foot que d’un politique, il y a moins de dossiers épineux, pas vraiment d’affaires et c’est moins dangereux. Forcément il y a un peu d’affect. Le journaliste qui me dit qu’il est pleinement indépendant, c’est un mensonge. On ne peut pas encenser le club lorsque les résultats suivent et tout détruire quand cela se passe moins bien. Ceux qui « assassinent » le plus, ce ne sont pas des journalistes, mais des supporters.

Je pense pour ma part essayer de prendre du recul. Mais j’aime le club. Quand j’ai cinq critiques à faire, j’essaie plutôt de n’en faire que quatre ! Et je l’assume. L’objectivité n’existe pas. Je n’ai pas à être objectif, mais je dois juste être honnête avec ce que je pense et ce que je ressens. Par exemple, je ne juge jamais une composition d’équipe, ni avant le match – puisque je n’assiste pas aux entraînements – ni après – car c’est forcément plus simple en ayant vu la tournure des événements.
On ne montre pas du doigt !
Même dans la tourmente, et on me l’a reproché, j’ai soutenu Pablo Correa. Car je pensais sincèrement qu’il était l’homme de la situation. Pareil pour la stratégie de Jacques Rousselot, le rôle de Patrick Gabriel, et j’ai même défendu Jean Fernandez pendant un bon moment. J’essaie de prendre de la hauteur de vue.

 

Vous avez tout de même un chouchou, non ?

J’ai un respect profond pour Pablo Correa. Si je disparais demain, je ne lui manquerai peut-être pas. Mais lui me manquerait : ses anecdotes, son phrasé, son sens de la formule. Quand on a ce sens de la formule, c’est qu’on maitrise très bien la langue, contrairement à ce que certains lui reprochent. Je me régale de ses interviews. Ce n’est pas qu’un entraîneur intuitif, c’est aussi un meneur d’hommes. J’adore ce gars !

 

La fin de saison approche, bientôt l’heure des transferts… des infos ?

Beaucoup d’informations circulent sur les transferts à chaque mercato. Ma marque de fabrique, c’est de ne donner que des informations validées. Quitte à donner parfois les infos après les autres. Ou alors j’utilise le conditionnel. Il y a tellement d’enjeux entre les joueurs, les agents et les clubs !

 

Avant de quitter votre poste de commentateur, que dit votre boule de cristal pour l’ASNL ?

Ce n’est un secret pour personne, Jacques Rousselot n’est pas éternel… J’aimerais bien que l’esprit du club perdure après son départ. C’est un club qui reste à taille humaine, familial, mais avec des résultats.

« Une-deux »

Mathieu Barbier a même donné un coup d'envoiLes panenka de Youssouf Hadji ?
J’aime !

Olivier Rouyer comme entraîneur ?
À voir…

Jean Fernandez ?
Une erreur de casting

L’arbitrage en France ?
Arrogants

Le synthétique ?
Une erreur

Le chauvinisme ? 
Je suis payé pour… 

Laurent Pilloni ? 
Un ami encore plus qu’un confrère. 

Le FC Metz ?
Indifférent (aucune animosité, aucun amour particulier)

Le retour de Kim ?
D’après mes infos, il n’en a jamais été question. C’est un truc pour vendre du papier.

Les deux bandes rouges sur le maillot ?
Respect

Le Barbier Show ?
Touchant

Eugène Sacomano ?
Inconsciemment, j’ai dû m’en inspirer. Mais chez moi ça vient comme ça, ce n’est pas un personnage travaillé.

JR ?
Infini respect

PC ?
Chic type

Les supporters de l’ASNL ?
Le club leur doit tout. Ils ont été là même dans les moments difficiles

Mauvaise foi ?
Ma qualité première ! (rires)

John Miles ?
Chair de poule

Soufiane Koné ?
Un grand espoir déchu…

Sans commentaires

Les grands classiques

« Oh c’est pas possiiiiiiiiiiible !!!! »
« Oh c’est pas vraaaaaaaaaaai ! »
« Stratosphérique ! »

 

Les expressions venues d’ailleurs

« Si Châteauroux revient à 3-3, je mange du rat »
« Il est mauvais comme le gras du jambon ! »
« 2 buts en bois, si ça continue on va pouvoir faire une cabane ! »
« Il a pas fini d’en prendre des biscottes, il pourra faire des petit déjeuners copieux ! »
« Eh oui comme dans du beurre ils sont rentrés dans la surface de réparation »
« Mon Dieu Jésus Marie Joseph, la mine ! »
« C’est la sainte Vierge qui nous fait pipi dans la bouche ! »
« Un but de la tête, un but du droit, un but du gauche, café crème, l’addition ! » (triplé de Jeff Louis contre Le Havre)
« Y va nous mettre une patate dans la lunette ! »
« Faut défendre comme des chiens ! »

Le penseur de France Bleu

Les joueurs

« Après ce caviaaaaaaaaaaaar d’eeeeeeelllllliiiiiii Krouuuuuuuupiiiiiiii ! »
« Je lance une pétition, une statue de Brison place Stan »
« Benjamin Moukandjo, on l’a trop souvent peu vu »
« Oh le saucisson de Cuvilier !»
« Mais il doit être expulsé Mickey, c’est hallucinant, c’est dingue ça le quatrième arbitre il sert à rien ! »
« Ceux qui croyaient que Youssouf Hadji était fini, qu’ils remballent les cannes à pêche »
« Gennaro Bracigliano, c’est le gardien du sièèèèèèèèècle ! » (Rennes-Nancy en 2005/2006)
« Peut-être pas avec Landry N’Guemo dans la surface… Ouééééééééééééééé !!!! Ouéééééééééééé !!!!! Ouééééééééééééééé !!!!!! Ouéééééééééééé !!!!! C’est pas possible !!!! Landry N’Guemo qui donne la victoire à l’ASNL ! C’est pas possible, c’est Alfred N’Diaye ! Oh j’en perds ma voix. Non, c’est Landry N’Guemo qui donne la victoire aux Nancéiens !!!! (Le Havre-Nancy)
« Lionel Messi est parmi nous, Lionel Messi est parmi nous ! C’est un but d’anthologie que vient de marquer Jeff Louis ! » (but de Jeff Louis en 2013/2014)
« Damiiiiiiiiiaaaaaaaaaaaannnnnn Macaaaaaaaaaaluuuuuuuuuuuuusoooooooooooo ! »
« Allez Helder, fais nous Forrest Gump, cours ! cours ! »
« J’en veux plus des buts comme celui de Zerka à la Thierry Henry »
« Thomas est revenu sur ses pas, il voulait jouer à droite mais il a finalement joué à gauche, il m’a écouté je lui avais dit ». (Nancy-Angers)
« Andréééééé Luizzzzzz ! Papapapapapapapa ! »
« Dites-moi à Monaco entre Lolo et Néné, ils sont un peu portés sur la chose ! »

 

Tous les textes sont signés Colomban Errard

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