Cétout, le plaisir avant tout

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Articles · 18/08/2015 à 11:57
18/08/2015 • 11:57

L’argent n’est pas le moteur de Julien Cétout. L’été dernier, il a préféré rejoindre un groupe sain plutôt que d’aller grappiller quelques billets supplémentaires dans un club étranger. À 27 ans, il avance au plaisir avec la ferme intention de vivre le plus rapidement possible une montée en Ligue 1.

Avec trois frères et sœurs, vingt-deux oncles et tantes et des dizaines de cousins, Julien Cétout a toujours eu l’habitude de vivre entouré de ses proches. « D’autant que par notre culture antillaise, on se réunit beaucoup, précise-t-il. J’ai besoin de cette vie de groupe. De faire marrer les autres aussi. C’est ma façon de vivre. » Sa deuxième famille, celle du vestiaire, est toute aussi importante à son équilibre. Autant dire qu’il a très mal vécu les longues semaines qui ont précédé sa signature à l’AS Nancy-Lorraine à la fin du mois d’août dernier.

En fin de contrat avec Tours, il s’entraîne seul avec un préparateur physique. « En avant-saison avec un groupe, tu vis des moments qui te font un peu oublier la fatigue. On souffre tous ensemble. Là, j’étais seul chez mes parents. Je me réveillais à pas d’heure puis allais faire ma petite préparation avant de rentrer goûter les bons petits plats de ma maman. » Pas vraiment le programme idéal pour une préparation athlétique de haut-niveau.

Julien CétoutSa situation est bloquée. De nombreux clubs se renseignent, mais lui demandent d’attendre ou de donner une réponse trop rapide. La liste des pays susceptibles de l’accueillir s’allonge. Julien est un peu perdu. « J’ai eu la chance d’avoir Bryan Bergougnoux au téléphone. Il a vécu la même situation et m’a conseillé de ne pas faire mon choix par défaut. Cela m’a aidé à prendre la bonne décision sans quoi j’aurai surement signé pour un truc financier à l’étranger. Et je me serai perdu. Moi dans un vestiaire où je ne comprends rien et ne peux pas rigoler avec mes coéquipiers, je pleure ! L’exemple d’Andy Delort me parle aussi. Il est parti à Wigan mais a été obligé de revenir à Tours cet hiver pour se refaire une santé. Ce qui nous nourrit, ce n’est pas l’argent, c’est de jouer. Tu es riche quand tu es heureux. »

Le football est d’abord un jeu. Julien Cétout ne l’oublie jamais. Il se souvient de ses parties endiablées disputées sur une plage de Capesterre, où il a vécu une année, ou sur les terrains vagues de sa ville de Chartres. « En Guadeloupe, soit tu fais du vélo, soit tu tapes dans le ballon. Ma famille est davantage football. Mon oncle a joué en National, mon père et mon grand frère étaient licenciés à l’amicale Antillaise de Chartes. Je les ai rejoints dès l’âge de cinq ans. »

Puis viennent les années au FC Chartes, le club phare d’Eure-et-Loir. Julien continue de s’amuser et ne pense pas encore faire carrière. Pour ses parents, son avenir passe d’abord par l’école. « C’est Jean Morvany, l’un de mes entraîneurs, qui a décelé mon potentiel et m’a poussé à faire les tests de l’INF Clairefontaine. » Durant ses trois années dans la forêt de Rambouillet, il enfile les tuniques bleues des sélections U16 à U18 avec Marvin Martin et Kevin Monnet-Paquet.

 

Supervisé par Manchester United

Ses performances ne passent pas inaperçues outre-Manche. En 2004, il est même tout près de signer à Manchester United, son club de cœur depuis qu’il est gamin. Damien Comolli le supervise également pour Arsenal puis devient directeur sportif de l’AS Saint-Étienne. Il n’a pas oublié ce prometteur milieu récupérateur et le fait signer chez les Verts. À 17 ans et demi, il s’entraîne déjà régulièrement avec le groupe d’Élie Baup. Une rupture des ligaments croisés va freiner sa progression.
Direction la victoire !
« Après ces huit mois d’arrêt, je n’ai jamais retrouvé mon niveau, regrette-t-il. J’étais encore jeune dans ma tête et n’ai pas mis tous les moyens pour réussir. Ce sont plein de détails qui font que ma rééducation n’a pas été optimale. Le staff y a vu une forme de régression et ne m’a pas fait signer pro. Ça a été un électrochoc pour moi. En arrivant de Clairefontaine, j’étais un peu starifié au centre de formation. Cet échec m’a fait comprendre que je devais redoubler d’efforts, ce que je ne faisais peut-être pas auparavant à cause de mon statut. Je devais cravacher et ne pas louper cette chance que m’offrait le FC Tours. »

Après une première saison à vingt matchs débutés essentiellement sur le banc de touche, il gagne ses galons de titulaire. L’entraîneur Daniel Sanchez, qui était adjoint de Baup à Saint-Étienne et avait intégré Julien Cétout dans les séances d’entraînement de l’équipe première, avait été clair dès le départ. « Il voulait me faire devenir un professionnel accompli et m’avait prévenu que ça prendrait du temps. Ma première saison comme remplaçant m’a beaucoup servi, car cela m’a permis de bien travailler. » Il devient plus rigoureux, plus précis dans ses passes, plus fort dans les duels et plus intelligent dans ses déplacements.

Seule son adresse face au but reste toujours aussi aléatoire. « Ce n’est pas beau de dire cela, gronde Julien avec un petit sourire. Ça m’ennuie, car je devrais avoir de meilleures statistiques. Je sens les coups, mais pêche toujours dans mon dernier geste ou me heurte à d’excellents gardiens. Je dois davantage me mettre dans la peau d’un buteur quand je me retrouve dans cette situation. Car un milieu de terrain ne peut plus se contenter de récupérer et donner le ballon. Il faut aussi marquer des buts et ça manque un peu dans ma panoplie. »
Cétout manque le cadre
Son positionnement dans le couloir droit de la défense lui demande davantage de précision dans l’avant-dernier geste, celui qui va mettre son attaquant sur orbite. « Je me sens plus à l’aise dans ce rôle, avoue-t-il. Je préfère mettre les attaquants en valeur. Si je peux leur apporter des bons centres ou même des moins bons comme celui conclu par Romain Grange à Tours, ça me va complètement. Je ne suis pas un individualiste qui ne pense qu’à ses stats. Ma priorité est la victoire de mon équipe. »

 

Footballeur jusqu’à 55 ans ?

Ses six saisons au Tours FC se terminent presque toujours dans la première partie du classement. Le club d’Indre-et-Loire flirte même plusieurs fois avec le podium. « Lors de ma première saison en 2008/2009, on loupe la montée lors de l’avant-dernier match contre Montpellier. On pouvait les rattraper en cas de victoire, mais on n’arrive pas à marquer (0-0). C’était l’époque des Giroud, Koscielny, Ca, Bong, Sigamary Diarra,… On s’éclatait sur le terrain. »

Meilleur arrière droit de Ligue 2 aux étoiles de France Football à l’issue de la saison 2013/2014, Julien Cétout refuse de prolonger au TFC. « Pour continuer à progresser, j’avais besoin d’un nouveau challenge, de découvrir un autre environnement, de me mettre un peu en danger avec davantage de concurrence. À Tours, j’ai fini capitaine et j’allais peut-être m’endormir sur mes acquis. Je n’avais pas envie de commettre les mêmes erreurs que durant mes années à Saint-Étienne. Quand j’ai senti que ça stagnait un peu, j’ai préféré partir avant de faire le papy. »
Un latéral offensif
Ses premiers mois à l’ASNL vont vite le réveiller. En manque de condition athlétique suite à sa préparation plus légère, il peine à retrouver son meilleur niveau. Sa volonté et son énergie lui permettent toutefois de tenir les matchs. Il doit aussi s’adapter à une nouvelle philosophie de jeu. Ce fan des Houston Rockets l’explique en prenant l’exemple de Tony Parker. « À un moment donné, il a voulu changer son shoot mais en ratait pas mal. Il a persévéré pendant une saison pour finalement retrouver son adresse lors de la suivante et gagner championnat. »

Julien Cétout n’est pas du genre à baisser les bras. Plutôt que de geindre sur cette vilaine blessure qui l’a peut-être fait passer à côté d’une autre carrière, il préfère se concentrer sur ce qu’il peut encore changer. « Après sept saisons en Ligue 2, je suis impatient de découvrir la Ligue 1. Je suis venu à Nancy avec ce challenge en tête. Ça m’émoustille carrément (sourire). Il n’y a rien de mieux que de monter avec son club. Cela crée des liens et une force collective incroyable. J’espère que ça se fera. Sans prétention, je pense n’avoir rien à envier à pas mal de défenseurs de Ligue 1. Mais aujourd’hui, eux y sont et pas moi. Je vais bosser pour les rejoindre. Même s’il faut que je joue jusqu’à 55 ans (rires) ! »

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