À neuf contre Troyes

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Articles · 03/04/2013 à 17:03
03/04/2013 • 17:03

Si l’ASNL a battu Troyes (1-0) en jouant une demi-heure à neuf contre onze le 6 septembre 2004, c’est grâce à la volonté de ses joueurs mais aussi à l’incroyable soutien de ses supporters. Pour le match décisif de samedi soir, Marcel-Picot doit redevenir ce 12ème homme capable d’emmener son équipe vers la victoire.

Sixième de l’exercice précédent, l’ASNL veut se donner les moyens de se mêler à la lutte pour l’accession en Ligue 1 et recrute Doumeng, Fayolle, Kroupi, Celdran et Diagouraga. La saison 2004/2005 démarre cependant par deux défaites et un nul. « Nous n’avions pas les résultats d’une équipe qui va monter », concède Gaston Curbelo. Lors de la 4e journée face à Montpellier, un but de Kroupi offre une première victoire aux Nancéiens. Le double salto de l’attaquant ivoirien fait rugir de plaisir le public de Picot. L’ASNL enchaine par une seconde victoire à Dijon (0-1).

Le match suivant face à Troyes est décalé le lundi soir pour cause de retransmission sur Eurosport. Avant le coup d’envoi, les Nancéiens occupent la quatorzième place du classement mais peuvent espérer revenir à un point du troisième en cas de succès. Les Troyens sont eux dix-huitièmes et ambitionnent de revenir à la hauteur de leurs adversaires du soir. « C’était un match comme les autres lors d’une journée de championnat classique, se souvient Michaël Chrétien. C’est au fil de la rencontre qu’il est devenu spécial. »

 

Neuf contre onze

Si ce Nancy-Troyes est resté ancré dans la mémoire des 9 553 spectateurs présents ce soir-là à Marcel-Picot, c’est parce que l’ASNL s’est imposée durant le temps additionnel mais surtout parce qu’elle a disputé une demi-heure à neuf contre onze. Lécluse (42’) et Diakhaté (59’) sont en effet renvoyés prématurément au vestiaire par M. Wilmes. « On s’était alors organisé en deux lignes de quatre afin de dresser un mur devant notre surface de réparation, raconte Frédéric Biancalani. Les Troyens faisaient tourner le ballon mais n’arrivaient pas à s’approcher de notre but. » Et quand Grax (79’) ou Dallet (84’) trouvaient une ouverture dans la défense nancéienne, Bracigliano sortait le grand jeu pour garder sa cage inviolée.

« Le temps jouait pour nous, explique le gardien, crédité du chardon du match le lendemain dans l’Est Républicain. Plus le match avançait, plus ils s'énervaient, plus on prenait confiance. » Pour Michaël Chrétien, il fallait se battre pour arracher un 0-0 : « C’est tout ce que l’on pouvait espérer avec deux joueurs de moins. Mais ce que j'ai ressenti ce jour-là, c'est que l’on n’était pas 9 mais 10 000 contre 11 ! C'était la première fois qu'on sentait le public avec nous et ça m'a vraiment marqué. Grâce à eux, on a fait un match héroïque. » Gaston Curbelo en garde également un souvenir extraordinaire. « Chaque fois que Troyes récupérait la balle, le stade entier sifflait, et à chaque fois que nous la reprenions, c'était une grosse clameur d'encouragement qui nous poussait. »

 

Le penalty de Gavanon

Car si l’ASNL a surtout cherché à protéger son but, elle a aussi joué quelques coups comme sur ce missile de Berenguer qui a fait trembler la barre (72’) ou cette dernière action de Curbelo. Servi dans la surface par une bonne passe d’Emmanuel Duchemin, l’attaquant uruguayen est poussé dans le dos par Liron. « Si l'arbitre n'avait pas sifflé, évidemment qu'on aurait râlé, mais ça n'aurait pas été un scandale non plus », avoue-t-il avec beaucoup d’honnêteté. Bracigliano se souvient avoir souri tellement c’était irréel. « Gaston avait tellement travaillé, c'était très fort et juste que ça soit lui qui nous amène ce but ».

Le Troyen écope d’un second carton jaune et l’ASNL bénéficie d’un penalty que Gavanon transforme dans une ambiance indescriptible (90’). « Cela lui donna beaucoup de confiance pour la suite, précise Gennaro Bracigliano. Il devint notre tireur officiel pour les années qui suivirent et continua à toujours tirer de la même façon que ce soir-là. À la fin du match, j'ai regardé le ciel et je me suis dit que c’était notre année et qu’il ne faudrait rien lâcher. Je crois qu'on a réussi à garder cet état d’esprit pendant plusieurs saisons. » Le lendemain, l’Est Républicain titre « La folie était en eux » et consacre un article au formidable soutien des supporters qui ont scandé des « Nancy, Nancy, Nancy » pendant toute la dernière demi-heure. « Quand on est solidaire, on peut renverser des montagnes », conclut Frédéric Biancalani.

 

Une victoire qui vaut de l’or

Dès le lendemain dans la presse locale, Romain Jacquot parle de victoire qui vaut de l’or. Frédéric Biancalani acquiesce. « Cela nous a permis de lancer notre saison et de créer une vraie communion avec le public. Cela a aussi resserré encore un peu plus les liens entre nous. » Sébastien Puygrenier parle lui de « match déclic ». Pour Gennaro Bracigliano, cela a aussi permis au coach de faire passer un message. « Suite à un souci disciplinaire pendant la semaine, il avait osé mettre Eli Kroupi, alors notre recrue vedette, sur le banc. Le fait qu'on ait réussi à l'emporter sans lui, avec en plus une grande solidarité, a donné à Pablo un certain crédit aux yeux du groupe, qui de son côté a bien compris que le collectif passerait avant les individualités. » La suite confirme la montée en puissance de la bande à Correa, qui va finalement prendre 25 points sur 30 et s’installer dans le fauteuil de leader. Quelques mois plus tard, le 27 mai 2005, l’ASNL est sacrée championne de France de L2 après une ultime victoire face à Brest.

Les équipes

 ASNL : Bracigliano, Lécluse, Diakhaté, Moreau, Chrétien, Duchemin, Gavanon, Biancalani, Doumeng (Berenguer, 56’), Fayolle (Curbelo, 56’), Dufresne (Puygrenier, 60’).
ESTAC : Peiser, Montero, Liron, Perquis, Vairelles, Adam (N’Dour, 66’), Tourenne, Amzine (Garny, 74’), Nivet, Grax (Bangoura, 79’), Dallet.

 

Les réactions d’après-match

Pablo Correa : « Je retiendrai l’état d’esprit du groupe. À neuf contre onze, l’équipe a montré une solidarité incroyable. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour commencer le prochain match à Angers avec deux joueurs de moins (amusé)… »
Laurent Dufresne : « C’est l’amour propre, la rage qui nous a permis de nous dépasser. C’est aussi la preuve qu’une équipe, c’est d’abord un groupe de 22 et pas seulement les joueurs sur la pelouse. Maintenant que nous sommes bien placés au classement, il faut s'accrocher mais pour nous le plus dur commence. »
Pascal Berenguer : « Même à neuf, je n’ai pas douté. Je me suis dit que nous allions avoir au moins une occasion et qu’on la mettrait au fond. On a marqué grâce à Gaston qui a joué avec son envie, sa rage. »

 

Gavanon : « C'était de la folie »

« Du contexte, je me souviens juste que l’on commençait à remonter la pente après un mauvais début de saison et que l’on était avec Troyes deux prétendants à la montée. Ce match était une belle opportunité pour revenir dans le groupe de tête. À la mi-temps, on se disait qu’un match nul en infériorité numérique ne serait pas si mal. Ensuite, avec la deuxième expulsion, tenir le score vierge devenait un miracle. Puis il y a eu cette faute sur Gaston (Curbelo) en fin de match. Quand je tire le penalty, j’ai énormément de pression, car je me rends compte que je peux permettre de gagner un match vraiment spécial. De retour dans le vestiaire, c’était de la folie ! Cela a soudé un plus le groupe et nous a amené une force incroyable pour la suite de la saison. »


Holveck : « Un match fondateur »

« Les supporters étaient survoltés après notre deuxième carton rouge infligé à Pape Diakhaté vers la 55e minute, raconte le vice-président dans l'Est Républicain. Ensuite, le public s’était mis à copieusement siffler les Troyens à chaque passe. Et dès qu’un de nos joueurs récupérait le ballon, c’était des hurlements pour l’encourager. Aldo Platini m’avait dit ce soir-là qu’il n’avait jamais vu une telle ambiance à Picot. Pour moi, c’est LE match fondateur de tout ce qu’on a réussi par la suite, avec la montée en L1 et tout le reste. »

 

L’anecdote

Une heure avant le coup d’envoi de la rencontre, l’ASNL a enregistré son 7 000e abonné. L’heureux élu, Jean-Marc Capelli, s’est vu remettre un maillot et a eu l’honneur de donner le coup d’envoi du match. Le pari du président Jacques Rousselot de proposer des abonnements à 30€ derrière les buts est d’ores et déjà gagné !

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