Histoires de derby : Je t'aime, moi non plus...

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Articles · 26/02/2014 à 09:05
26/02/2014 • 09:05

Le derby a toujours été un match différent des autres, écartelé entre tension et passion. Parmi les supporteurs, il y a ceux qui se régalent de ces rencontres Nancy-Metz pimentées et ceux qui les redoutent. Depuis bientôt un demi-siècle, l'histoire du football professionnel lorrain est truffée d'anecdotes savoureuses et variées.

Comment faire pour susciter un surcroît d'engagement auprès des attaques du championnat de France ? Nous sommes au début des années 1970 et le football français se cherche un second souffle offensif. Les belles années nantaises s'effacent et l'élan vert n'est pas encore mûr. Claude Cuny, l'homme qui a une idée par jour, réfléchit à haute voix et se fait entendre en haut lieu. C'est décidé, voici le point du bonus, dévolu à toute équipe ayant marqué trois buts.

Ce qui revient à dire que gagner un match 1-0 ou partager ses appétits guerriers avec l'adversaire en signant un nul 4-4, procure la même récompense : deux points ! Cette année-là, en 1973, Nancy et Metz croisent le fer à Saint-Symphorien et se séparent sur un 3-3 spectaculaire et retentissant, Patrice Vicq trompant Patrick Barth et rétablissant l'équilibre pour les joueurs d'Antoine Redin. Que n'a t-on raconté sur ce verdict supposé d'entente et de connivence ? Il n'en avait évidemment rien été et la victoire nancéienne, au retour, apporta le plus flagrant démenti (2-1) aux doutes et aux allégations.

Le derby fut pendant plusieurs décennies pétri de la richesse du terroir régional. Le FC Metz et l'AS Nancy-Lorraine recrutaient parmi les jeunes espoirs disséminés dans les meilleurs clubs amateurs et portant le maillot sang et or de la sélection des cadets de Lorraine. De sorte qu'il existait une rivalité saine mais exacerbée entre les deux clubs pros.

N'empêche, Carlo Molinari désireux d'encourager l'engagement de l'ASNL dans le championnat de Division 2, dès 1967, avait prêté Roland Massucci à son voisin meurthe-et-mosellan. Les Grenats évoluaient en Division 1 et ne risquaient pas de croiser le fer avec Nancy avant plusieurs saisons ! Toutefois, chaque année, un, voire deux matches amicaux étaient programmés entre Nancy et Metz. L'un et l'autre n'envisageaient pas d'exercice sportif sans en découdre sur le pré.

 

Une super coupe de Lorraine

On instaura même une super Coupe de Lorraine, remise en jeu tous les ans en début de championnat, pour être sûr que les voitures immatriculées 54 et 57 des supporteurs seraient rangées côte à côte sur les parkings bariolés de l'été. Certes, la passion était toujours vive dans les tribunes, mais elle demeurait contenue et les débordements étaient rares.

Au début des années 70, Nico Braun et Gilbert Dussier, footballeurs grand-ducaux, rivaux et amis de la sélection luxembourgeoise, conduisaient les attaques messine et nancéienne. Il n'était pas de semaine sans qu'ils comparent leurs tableaux de chasse personnels. Qui était le meilleur ? Braun ou Dussier ?

Certain jour, associé à Curioni, Nico Braun fit un de ces récitals à Picot ! Rassurez-vous, public du club au chardon, nous avons aussi de belles images d'envolées chevaleresques signées ASNL ! Voulez-vous qu'on vous parle de ce tir du pied gauche magistral de Mariot sur lequel Johnny Schuth se détendit en vain, laissant Nancy s'imposer à Saint-Symphorien ? Voulez-vous qu'on vous fasse rejaillir cette bombe de Soufiane Koné qui laissa Létizi pantois devant son propre public ? Voulez-vous qu'on remette en lumière les deux buts d'Éric Martin à Picot, au grand dam de Michel Ettorre ?

 

Platini et le spiromètre

Si les clubs voisins se taquinent en relisant leurs parcours respectifs, c'est souvent en considérant les à-côtés du jeu. Nul ne saurait avoir oublié que Michel Platini était promis au FC Metz avant d'endosser la tunique nancéienne, parce qu'un spiromètre récalcitrant et un médecin messin trop méfiant firent passer le futur plus grand joueur du football français pour un bambin poussif et peu recommandable ! Voilà assurément le plus grand succès de l'AS Nancy-Lorraine dans le derby.

C'est le FC Metz qui a duré le plus longtemps en Division 1 et ce sera, petitement, sa réponse à lui, le dernier en date de ses coups de griffe adressés à l'équipe au chardon remontant à ce championnat 2013-2014 en... Ligue 2. Les joueurs d'Albert Cartier n'ont fait qu'une bouchée des Nancéiens (3-0). Ils ont dominé leur sujet de la tête et des épaules et c'est bien ce qui va motiver l'équipe de Pablo Correa dont le propos est aujourd'hui, de venger les troupes de Patrick Gabriel !

 

Christian PORTELANCE,
Journaliste honoraire, auteur de l'ouvrage AS Nancy-Lorraine, des épopées et des hommes (éditions Alan Sutton, collection Mémoire du Football)

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