Platini: La science du jeu

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Articles · 05/09/2014 à 15:37
05/09/2014 • 15:37

Michel Platini, le joueur génial des années 1975-1980, a fait ses débuts à l'ASNL. Devenu international et capitaine de l'équipe de France, il a connu tous les honneurs à l'exception du titre de champion du monde. L'enfant de Jœuf savait tout faire: observer, anticiper, diriger, ajuster. C'était un maître. À Saint-Étienne puis à Turin (Juventus) dont il a porté les maillots successifs, l'éloge est, comme à Nancy, unanime.

Sous les lumières de Marcel-Picot, en ce temps-là, se dessinait une silhouette ciselée d'élégance. Qui n'a pas connu cette époque matinée de technique et de bonne humeur, est malheureusement passé à côté d'une grande fresque de l'ASNL. Michel Platini était ce que Mozart laisse à la musique et Van Gogh à la peinture. Son coup d'œil était vif et il avait l'art de la passe et du tir. Combien de victoires a-t-il apportées à son équipe par son seul talent ? Ne cherchons pas plus loin que la Coupe de France 1978. Sans Platini, auteur du but décisif en finale devant Nice, l'AS Nancy-Lorraine n'aurait jamais présenté le trophée à la Place Stanislas !

« Des joueurs de talent, j'en ai vu pas mal au cours de ma carrière, savoure Olivier Rouyer ; celui qui me semble être le plus grand, c'est Michel Platini ». La terre entière a admiré le Lorrain né de l'amour de ses parents Anna et Aldo qui furent d'ailleurs, pendant plus de douze ans, ses premiers supporters. « Le football m'a donné Michel », rappelle aujourd'hui encore Aldo Platini qui était lui aussi, au temps de sa jeunesse, un footballeur amateur avisé.

Platini aimait le jeu par-dessus tout. Loin de l'affairisme et du business des années 2000, il est allé au bout de chacun de ses contrats. Le garçon avait ses valeurs : droiture, respect de la règle. De Nancy à Turin, via Saint-Étienne, le club-référence français du moment, Michel Platini a affirmé son talent. Le Real, le Bayern, Manchester, l'Inter, tous les meilleurs clubs lui ont proposé leur maillot. Il n'en aura mis que trois; quatre, si l'on tient compte de la tunique bleue de la sélection nationale à laquelle il a apporté panache et efficacité.

Depuis la Coupe du Monde 1958, le football français était à la recherche d'une reconnaissance internationale. Michel Platini s'est levé et lui a conféré cette dimension nouvelle, concrétisée non seulement par ce qui restera sans doute comme son épopée la plus douloureuse à Séville en 1982 (échec en demi-finale, devant l'Allemagne) mais aussi par son titre acquis lors de l'Euro 84 où le capitaine de la sélection de Michel Hidalgo a été tout simplement gigantesque : cinq matches, neuf buts !


« Mon père a été le meilleur de mes entraîneurs »

Les coups francs de Michel étaient un régal, sauf pour les gardiens... y compris Jean-Michel Moutier qui, à l'entraînement en Forêt de Haye, en a pris plus que tous ses confrères de la planète réunis ! Même l'immense Dino Zoff en a encaissé deux au cours d'un seul après-midi, lors d'un Italie-France où Platini avait fait fort.

Les services distillés au millimètre mettaient dans l'allure et dans la course ses équipiers avides de folles aventures offensives. Rouyer, Rep, Rocheteau, Boniek ont profité des ballons soignés de l'artiste. Aldo recommandait à son fils de se situer au milieu de l'équipe, c'est-à-dire de se trouver à l'endroit où sa science du jeu et l'influence de sa propre technique s'exprimeraient avec le plus d'efficacité. « Mon père a peut-être été le meilleur de tous mes entraîneurs », apprécie avec tendresse Michel Platini.

Le joueur avait aussi l'art du discernement et du commandement. Les souliers à crampons posés à jamais au musée du sport français, Michel est devenu patron du comité d'organisation de la Coupe du Monde 1998 et président de l'UEFA en 2007. La ligne qu'il suit, sans se départir de son esprit jovial 1978, est galactique. C'est un garçon à part.

Christian Portelance, journaliste honoraire, auteur de AS Nancy-Lorraine, des épopées et des hommes, éditions Alan Sutton (collection Mémoire du Football).

Rubio : « Un joueur infatigable ! »

Paco Rubio, peut-être le plus grand relayeur et avaleur d'espaces de l'histoire de l'ASNL, compte parmi les indéracinables admirateurs de Michel Platini. « Moi, j'étais plutôt fan de Crujff, dit-il. C'était quelqu'un qui me plaisait beaucoup. De sorte que je considérais surtout Michel comme un ami. Pourtant, il était exceptionnel partout... y compris aux cartes où l'on passait des heures et des heures à finir une partie. Il était infatigable. Un jour, au vestiaire, on a terminé un rami à 19 h 55 pour le coup d'envoi d'un match à 20 h 30. Comme on a pris 3-0, on s'est fait engueuler par Antoine Redin. On n'a plus recommencé ». Originaire de Montluçon, Paco est, un jour, rentré au pays où il retrouva ses copains d'enfance qui lui demandèrent, au tout début de la carrière de Michel. « Platini, il est aussi costaud qu'on le dit ? » Rubio leur répondit: « Vous allez voir, il sera le plus fort de tous ! »

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