Zénier avait l'œil et le bon

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Articles · 28/12/2011 à 10:04
28/12/2011 • 10:04

Bernard Zénier était un gaucher habile et précis qui a inscrit la bagatelle de 130 buts en championnat, pendant une carrière où il a côtoyé les plus grands clubs français, Bordeaux et Marseille, et partagé son temps entre le FC Metz et l'AS Nancy-Lorraine. L'enfant de Giraumont, devenu international, a disputé en 1978 la Coupe des Coupes avec l'ASNL, où il a joué cinq saisons marquées de brio et de malchance.

On l'appelait mini K7, parce qu'il avait toujours la bouche ouverte. Un vrai moulin à paroles ! Bernard Zénier, le plus... nancéien des joueurs de Metz, demeure aujourd'hui encore l'archétype du joueur balayant toute envie d'ériger la rivalité 54 – 57 en religion d'État. « J'ai fait la plus grande partie de ma carrière à Metz, raconte Bernard Zénier, mais je suis né en Meurthe-et-Moselle. »

Lui, il est du monde du foot, c'est tout ce qui l'intéresse. Et le nom de Zénier a d'ailleurs bien servi ce sport, puisque Serge le père de Bernard était footballeur et qu'Hubert, l'oncle, l'était aussi. À Nancy, les plus anciens ne sauraient avoir oublié la silhouette haute et mince de l'ancien milieu de terrain recruté par Claude Cuny, en 1969, à l'époque des Ehrhardt, Redin, Dublin, Prou, Chlosta, Lech...

C'est en partie grâce à Hubert que Bernard a débarqué à l'ASNL, après la victoire de Nancy en Coupe de France. Il était venu dans l'espoir d'associer sa précision technique à la maestria de Michel Platini, mais malheureusement les desseins de l'aréopage du club ont été contrariés par la blessure du n°10 légendaire qui n'a pu participer à la Coupe d'Europe. On aurait tant aimé voir Zénier et Platini ensemble au côté des Curbelo, Rubio, Rouyer, Jeannol, Moutier !

« La rivalité Nancy-Metz, continue Bernard Zénier, ne vaut qu'en D1 et sur deux journées aller et retour. On n'en est plus là aujourd'hui. Moi, j'ai aimé le FC Metz et j'ai aimé l'ASNL. Dans ma carrière, je ne dissocie pas les deux clubs. » Quand il était gamin, Zénier voulait être pro. C'était son idée fixe. Un jour, on est venu le chercher pour que son rêve devînt réalité. C'était Metz. « J'avais dix propositions de clubs français, se souvient le joueur, et j'étais à deux doigts de choisir Saint-Étienne. Mais j'ai eu peur de m'éloigner de ma famille et j'ai craint aussi de ne pas jouer. J'ai opté pour Saint-Symphorien. »

Bernard Zénier se tenait avantageusement sur le flanc gauche de l'attaque où son coup d'œil était complice d'un art du dribble absolument génial. Aujourd'hui, Titi, comme on l'appelle, tient rang parmi la dizaine de footballeurs lorrains les plus élevés dans l'histoire du football français, avec Platini, Piantoni, Cisowski, Kargu, Battiston, Rodzik, etc.

Venu à l'ASNL, en même temps que... Carlo Molinari son beau père de l'époque qui avait provisoirement été écarté de la présidence du FC Metz et que Claude Cuny avait pris amicalement sous son aile, Bernard Zénier s'est d'emblée intégré au Lycée Papillon. Il a trouvé appui auprès des vainqueurs de la Coupe de France 1978 pour donner libre cours à sa virtuosité. Zénier était un artilleur: 130 buts en championnat ! De quoi ajouter à la fierté de la petite cité minière de Giraumont qui l'a vu naître.

« À Nancy, savoure Titi, je savais que je pourrais compter sur les copains. Quand on était dans le caca, ils étaient toujours là pour nous en sortir. Mais je dois dire que j'avais également apprécié la vie du groupe messin, avec Braun, Curioni, Rey, Battiston. » Bernard n'a pu monter aussi haut qu'il eût souhaité, en raison de blessures successives qui l'ont tenu à l'écart des terrains pendant une année au total: maudites fractures que le joueur met au compte de la malchance et de la fatalité. « C'est le football! », constate Bernard.

 

Quand Trésor était sur les fesses, dans la surface...

De toutes ses forces, Zénier, aujourd'hui responsable du marketing à Metz, espère la renaissance du derby. Mais il sait qu'on n'en est pas là et ses vœux sont pénétrés de patience et de sérénité. En attendant, il s'est fait une règle incontournable: prendre connaissance du résultat de Nancy, lorsqu'il lui est impossible de voir le match à la télé. Nancy-OM le tient en éveil. C'est aussi, pour lui, le match du souvenir, puisqu'après avoir participé à la conquête du titre national avec les Girondins, il a porté la splendide tunique phocéenne.

Bernard Zénier se souvient des soirées du Vélodrome, mais son cœur a imprimé pour toujours les grands moments de Marcel-Picot. Titi est bien un Lorrain. « Quel formidable match que celui où l'ASNL a battu Marseille 5-0, on avait même mis Marius Trésor sur les fesses dans la surface de réparation ! », se souvient Bernard. Les beaux matches de sa vie, la cinquantaine désormais bien mûre, Bernard Zénier les garde jalousement par-devers lui. Il est l'ami des amis et c'est pourquoi pour rien au monde, il n'aurait voulu rater le jubilé d'Olivier Rouyer, au mois de juin dernier. Salut Titi, ces quelques lignes sont pour toi.

 

Christian PORTELANCE
Journaliste honoraire, auteur du livre AS Nancy-Lorraine, des épopées et des hommes
(éditions Alan Sutton, Mémoire du Football).

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