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Dernière mise à jour le 06/07/2010 à 09:23
06/07/2010 • 09:23

 

Chargée de repérer les pépites qui feront briller l’ASNL de demain, la cellule de recrutement travaille depuis six mois sur le mercato de cet été. Comment fonctionne-t-elle ? Qui prend les décisions ?

 

C’est souvent durant le mercato que se joue la saison d’une équipe. Ce moment-clé ne s’improvise pas. L’ASNL y travaille depuis la trêve hivernale. Pablo Correa a commencé par dresser une liste de profils intéressants pour compléter ou apporter quelque chose de nouveau au groupe. Problème, il ne sait pas encore avec certitude qui va partir et qui va rester la saison prochaine. « Il peut y avoir un grand écart entre l’idée de départ et le recrutement final, explique le coach nancéien. Pour cet été, nous savons que l’on doit vendre des joueurs. Nos recrues vont donc énormément dépendre de ceux qui vont partir. Nous sommes donc obligés de prévoir des plans différents selon que beaucoup ou peu de joueurs quitteront l’ASNL. »

Laurent MoracchiniIl faut ensuite définir un premier profil pour ses futures recrues. On y trouve d’abord des caractéristiques physiques et techniques. « Des joueurs rapides dans les couloirs, avec du volume de jeu au milieu ou un grand gabarit en défense centrale, précise Laurent Moracchini, chargé du recrutement pour l’équipe professionnelle. Tous les clubs cherchent plus ou moins la même chose. J’ai toujours une liste de joueurs intéressants en tête et regarde si l’un d’eux peut convenir. Ensuite, il y a les agents et tout un réseau d’informateurs qui peuvent nous aider. Mon passé de joueur m’aide beaucoup et me permet d’avoir des contacts dans tous les clubs français. Si j’ai par exemple besoin d’une info sur un jeune joueur de l’OM, je sais que je peux compter sur Cyril Rool. »


Beaucoup de CV arrivent également par mail ou par fax. La plupart sont aussitôt écartés. « Sur un CV, je peux dire que j’ai gagné la coupe du monde » rigole le recruteur, qui préfère travailler avec au moins quelques images sur DVD. Les boîtiers s’accumulent d’ailleurs sur son bureau. De l’autre côté de la pièce, José Martinez et Adrian Sarkissian ont les yeux rivés sur un écran. Ce sont eux qui effectuent le premier tri.

 

Adrian et José devant la télé

Parmi les dizaines de DVD que reçoit la cellule de recrutement, certains compilent les meilleurs moments d’un joueur. « C’est très risqué et il ne faut surtout pas s’y fier, reconnaît José Martinez. Parfois, on peut y trouver tous les buts d’un attaquant depuis sa naissance (rires). Cela permet juste de se faire une idée du profil, mais il faut ensuite voir ses matchs récents en entier. » Regarder du foot à la télé devient alors un métier. José et Adrian ne sont pas installés dans un canapé, avec un rafraîchissant et quelques chips, mais assis sur deux chaises rudimentaires face à un écran d’ordinateur. Le cadre est austère. Le travail fastidieux. « Notre rôle est de faciliter les recherches de Laurent et de Pablo. Pour leur éviter de devoir regarder des matchs en entier, ce qui est forcément très long, nous effectuons un montage de toutes les possessions de balle du joueur observé. »
José Martinez
Abonné à des chaînes uruguayennes, Adrian Sarkissian suit davantage les championnats sud-américains et regarde en priorité les rencontres des équipes en forme. C’est dans ces clubs qu’il espère trouver le futur Kim. Le club travaille également avec la société Video Profile et reçoit des images du monde entier. « À partir du moment où l’on doit éliminer les championnats espagnols, italiens ou anglais qui sont économiquement beaucoup plus forts que nous, nous devons travailler sur des championnats un peu moins huppés. Comme la Russie est aussi un sérieux concurrent pour les joueurs d’Europe de l’Est, le continent sud-américain offre donc les meilleures opportunités. Il est de toute façon impossible d’avoir une couverture optimale de tous les championnats. C’est pour cela qu’il est important d’avoir un bon réseau afin d’obtenir les informations avant les autres. Quand un joueur éclate, d’autres équipes le voient aussi. Il faut donc davantage travailler en amont pour le repérer avant les autres. »


Des championnats très différents

Mais recruter à l’étranger ajoute aussi quelques incertitudes supplémentaires, puisque tous les joueurs ne s’adaptent pas forcément à tous les championnats. « Luis Fabiano est le meilleur exemple, souligne Pablo Correa. S’il n’a pas réussi à Rennes mais à Séville, ce n’est pas à cause du club breton mais tout simplement parce que le football français ne lui convenait pas. Chaque championnat possède ses propres caractéristiques. » Est-ce que l’attaquant qui donne des cauchemars à tous ses adversaires en première division argentine dribblera aussi facilement les défenseurs de L1 ? C’est l’une des interrogations qui revient régulièrement à l’esprit des recruteurs. C’est aussi l’une des questions les plus difficiles. Le cas récent de Veigar Gunnarsson en témoigne. Buteur et passeur en Norvège, l’international islandais n’a jamais réussi à s’adapter aux exigences du championnat de France. 
Adrian Sarkissian et Pablo Correa
« Il y a forcément une prise de risque supplémentaire en recrutant un joueur qui vient d’un football différent, admet Laurent Moracchini. Avec des footballeurs français que l’on voit tous les week-ends, le risque de se tromper diminue. C’est aussi plus facile de les intégrer, mais peut-être plus cher. » Cela a été le choix de l’ASNL l’été dernier, avec neuf recrues provenant des championnats de L1 et L2. Et s’ils n’ont pas encore forcément gagné leur place dans le onze de départ, ils ont déjà fait grandir l’ASNL en boostant la concurrence dans le vestiaire. Pablo Correa en est persuadé. « Si nous nous sommes comportés mieux cette saison que la précédente, c’est aussi parce que ceux qui poussent derrière les titulaires ont été plus pressants ».


Direction les tribunes

Après avoir été convaincu par un joueur sur quelques vidéos, Pablo Correa se déplace pour l’observer en situation réelle ou missionne Laurent Moracchini. « J’essaye d’y aller avec la plus grande neutralité, sans aucun à priori sur le joueur, explique le recruteur. Et quand on doute, il ne faut pas hésiter à abandonner la piste. Il m’est aussi arrivé que cela soit un autre joueur qui me tape dans l’œil. » De la vidéo au terrain, les conclusions peuvent être très différentes. Dans la tribune, le superviseur observe beaucoup de choses que l’on ne voit pas forcément à la télévision : son échauffement, ses déplacements sans ballon ou ses réactions.

En assistant à plusieurs matchs, il peut aussi voir le joueur dans ses meilleurs jours comme dans ses mauvais, ce qui peut être tout aussi instructif. « On a souvent suivi Issiar (Dia) quand il jouait à Amiens, raconte Pablo Correa. Dans ses rapports, Laurent me faisait sentir sa désillusion, car il le pensait capable de faire beaucoup mieux. Un recrutement se joue ensuite à pas grand-chose. C’est un pari, se dire qu’il pourra gagner en régularité. Mais, il y a tellement de facteurs qui entrent en jeu. On connaît les qualités du gamin que l’on recrute, mais on ne sait pas tout ce qui se passe dans sa tête. » 

Des DVD par centaines
C’est pour cela que le club ne se renseigne pas seulement sur le joueur mais aussi sur l’homme, sur son tempérament, sa mentalité ou son état civil. « Tous ces renseignements peuvent nous amener à refermer un dossier, ajoute Pablo Correa. Il peut en effet être risqué pour le club de recruter quelqu’un qui n’a pas une bonne hygiène de vie et pourrait donc être souvent blessé. Il doit également être capable d’une réflexion élargie, car c’est indispensable sur un terrain de football. On accorde de plus en plus d’importance à tous ces facteurs extra-football. Un joueur peut avoir de grandes qualités, mais lâcher facilement à la moindre contrariété. Cela sera plus difficile de s’appuyer sur lui, même si l’on sait qu’il est toujours possible de le faire progresser mentalement. Il faut parfois savoir tenter des paris. » 


La contrainte financière

Après souvent plusieurs mois d’observation, le staff technique se réunit autour de Pablo Correa. Paul Fischer et Laurent Moracchini donnent leur avis, mais c’est le coach qui prend la décision de transmettre le dossier au président. « Les moyens sont alors déterminants. On essaye toujours que cela reste abordable financièrement pour le club, mais le prix des joueurs ne fonctionne pas comme l’argus des voitures. En fonction de son âge et de ses statistiques, on n’obtient pas un prix. Tout dépend du marché et cela peut être parfois très bizarre. »

Cette donnée doit tout de même être intégrée dès le début du processus par Laurent Moracchini, qui ne peut pas perdre de temps sur un joueur de toute façon hors de prix. L’ex-capitaine de l’ASNL à la fin des années 90 sait que le club ne peut pas mettre cinq ou six millions d’euros sur un joueur. Ce n’est pas sa politique. C’est pour cela qu’il observe beaucoup la Ligue 2, afin de recruter des jeunes qui pourront permettre de réaliser une plus-value quatre ou cinq ans plus tard. Cela signifie en contrepartie que le joueur n’est pas encore éclos quand il arrive en forêt de Haye et qu’il faut donc lui laisser du temps. C’est ce qui est arrivé à Issiar Dia, Julien Féret ou même André Luiz. 

« Le président a toujours fait beaucoup d’efforts pour nous amener les joueurs que l’on souhaitait, conclut Pablo Correa. Et quand ce n’était pas possible, il était toujours très déçu de nous l’annoncer. Nous savons pertinemment que l’on ne fait presque jamais ce que l’on veut dans le domaine du recrutement. C’est valable pour l’ASNL, Manchester United ou l’Inter Milan. Les moyens financiers et les objectifs sportifs sont différents, mais les problèmes liés au recrutement demeurent identiques. Personne ne possède de baguette magique ! »

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