Dorian Bertrand, made in La Réunion

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Interviews · 02/01/2020 à 11:35
02/01/2020 • 11:35

Capable d’éliminer plusieurs adversaires d’un dribble vif ou d’un contrôle parfait, Dorian Bertrand est un footballeur technique et spectaculaire. Un style né dans les rues de Saint-Denis à la Réunion.

Est-ce que grandir sur l’île de la Réunion a forgé ton style de jeu ?

On peut dire cela. À la Réunion, on aime bien toucher la balle, faire des dribbles et assurer le spectacle. Ça a forcément influencé mon jeu. D’ailleurs, là-bas, beaucoup de joueurs ont ce style. Ils m’ont servi d’exemple. On le retrouve aussi chez joueurs professionnels issus de l’île comme Dimitri Payet ou Laurent Robert.

 

Le football de rue a été important pour toi ?

C’est là où l’on apprend toute la technique. On jouait sur des petites surfaces ou sur le terrain de handball de mon quartier de la Trinité à Saint-Denis. C’était notre principale occupation pendant les récréations ou après l’école. Le football de rue te permet de tenter vraiment tout ce que tu veux. Il n’y a pas de règles. Quand je rentre sur l’île, je vois qu’il y a encore beaucoup de gamins qui jouent dans la rue. Ils sont heureux et s’amusent sans calcul. J’en repère parfois des bons et me dit qu’ils pourraient réussir en France.

Dorian Bertrand

C’est un foot essentiellement de dribbles…

C’est le truc que je kiffe vraiment ! Le dribble, c’est ce qui m’a fait aimer le foot. Bien sûr, j’aime aussi marquer, car cela procure des émotions fortes, mais je reste toujours attiré par le dribble. Dans le quartier, quand tu réussissais un petit pont, ça commençait à rigoler et à chambrer. Des cris qui automatiquement t’encourageaient à continuer tes dribbles. C’était un vrai challenge. J’ai toujours adoré cela !

 

Tu avais des modèles qui t’inspiraient ?

Le premier était Ronaldo. Le Brésilien. R9. Il y avait aussi ses compatriotes Ronaldinho et Robinho. C’était la période où je commençais à regarder les gros matchs à la télévision. J’aimais bien aussi regarder Zidane. Il y a encore beaucoup de dribbleurs dans la nouvelle génération avec Mbappé ou Dembélé. Il m’arrive, encore aujourd’hui, de voir un dribble à la télévision et de me dire que je suis capable de le réussir. J’essaie alors de le refaire sur le terrain. J’aime bien tenter.

 

C’est encore possible d’inventer de nouveaux dribbles aujourd’hui ?

On a presque déjà tout vu, mais Neymar continue d’inventer de nouveaux gestes. Il doit donc en rester encore quelques-uns à imaginer (sourire). Comment caractériserais-tu tes dribbles ? C’est d’abord de la vivacité et de l’explosivité sur les deux premiers mètres. Au fil des années, je me suis amélioré en progressant sur certains gestes, mais j’avais déjà cela en moi. C’est inné.

Dorian Bertrand

C’est comme pour ce ballon qui semble te coller au pied ?

Oui. Tu progresses ensuite à l’entraînement, mais c’est quelque chose que tu as ou pas. Je sais que garder le ballon dans mes pieds n’est pas un problème pour moi. Cela me fait gagner du temps. Quand tu es à l’aise techniquement, tu n’as pas besoin de te concentrer sur ta conduite de balle. Tu peux alors en profiter pour réfléchir sur autre chose et prendre de l’avance sur tes adversaires.

 

Rejoindre un club n’a pas freiné ta liberté balle au pied ?

J’ai pris ma première licence à l’âge de 4 ou 5 ans au FC Camélias, où jouait mon père. C’est vrai que tu apprends le « vrai » football en club. Tu découvres la tactique. Mais, à la Réunion, on a toujours laissé parler ma technique. Je suis resté totalement libre sur le terrain. C’est alors à toi de comprendre qu’il y a une équipe à côté de toi. Si tu ne le comprends pas, tu t’élimines tout seul. C’est en arrivant à Nantes que l’on m’a demandé de me calmer un peu. J’étais toujours dans la percussion et dans l’exploit individuel. Les coachs m’ont demandé de davantage combiner avec mes partenaires. Ça m’a bloqué un peu. Il m’a fallu du temps pour comprendre et m’adapter à ce jeu.

Dorian Bertrand

Est-ce que le football est davantage basé sur le plaisir à la Réunion ?

C’est une évidence. Je l’ai vraiment senti en arrivant en métropole. Cela devenait professionnel. C’était un métier sérieux. Ça m’a vraiment mis un coup. Je me suis dit qu’on n’allait plus rigoler. Ça me manque. Pour moi, le football est un spectacle et ce qui compte le plus est de prendre du plaisir. Auparavant, il m’arrivait même de ne pas être trop déçu après une défaite si j’avais pris du plaisir sur le terrain. Le football de la métropole m’a appris à devenir un vrai compétiteur.

 

Tu rêvais déjà d’une carrière de footballeur professionnel ?

Quand tu regardes la Ligue 1 ou la Ligue des Champions, tu as toujours un peu cet objectif dans un coin de la tête. C’est un rêve de signer professionnel. J’avais aussi l’exemple de mon oncle Noël Vidot qui a joué au Havre, à Nîmes, à Laval et au Mans. Au fil des années, je me disais tout de même que ce serait dur. Mon objectif était alors de jouer avec l’équipe première du St-Denis FC. C’était aussi un rêve pour nous d’être avec les grands. J’ai eu ensuite l’opportunité de partir à Nantes. J’avais 18 ans et me suis dit que j’avais finalement encore le temps de réussir.

Dorian Bertrand

Le football local a aussi marqué ta jeunesse ?

Même si ce n’était pas la Ligue 1, ce championnat de la Réunion nous faisait tout autant rêver. C’était le niveau que l’on pouvait atteindre le plus facilement. On était souvent ramasseurs de balle et on côtoyait ainsi les grands. On avait des frissons comme si c’était des pros. Il n’y a que douze équipes et elles évoluent en division d’honneur, mais au moins trois ou quatre ont le niveau N2 ou N3. On avait vraiment envie d’évoluer à ce niveau. D’autant qu’il y avait beaucoup de monde et de l’engouement dans les stades à l’époque. C’est un peu moins vrai aujourd’hui.

 

On devine que ton île doit forcément te manquer aujourd’hui…

J’ai besoin d’y retourner régulièrement pour me ressourcer. On y va presque lors de chaque trêve avec ma copine. Toute ma famille habite à La Réunion. La vie de là-bas me manque aussi. Mais, aujourd’hui, je me suis bien adapté à Nancy et espère vivre de belles choses avec l’AS Nancy-Lorraine.

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