Rouyer: Intendant du lycée Papillon

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Articles · 11/06/2011 à 08:36
11/06/2011 • 08:36

Journaliste au Républicain Lorrain, Christian Portelance a vécu les heures de gloire d'Olivier Rouyer et en témoigne dans son livre "Des épopées et des hommes". Extraits et texte intégral à télécharger.

Assise au fond du bar Le Pinocchio, dans le quartier pittoresque de la vieille ville, Marie-Thérèse Rouyer déguste une infusion que lui a servie son fils. Olivier voue à sa mère une infinie tendresse. «Mes parents ont toujours beaucoup compté pour moi, pour nous ; ils étaient généreux», témoigne-t-il. Marie-Thérèse ne va plus au stade, mais elle ne manque pas un match à la télévision, surtout si les commentaires techniques sont assurés par Olivier Rouyer. À 87 ans, la maman, toujours très stricte mais volontiers amusée, considère que le métier de footballeur de son gamin a bercé une grande partie de ses jours. Pendant deux décennies, Nancy, la France, la presse, la télévision, le public ont parlé d’Olivier Rouyer. Et c’était son Olivier.

 

Olivier Rouyer est né le 1erdécembre 1955 à Nancy. Il n’a pas quitté la ville et, si ses activités l’amènent à se déplacer loin et souvent, il revient toujours dans ces rues dont il aime la chaleur et l’animation. «Je suis redevenu supporter de l’ASNL, reconnaît-il. J’avais fait la gueule durant quelques années, quand je m’étais fait virer de mon poste d’entraîneur, mais le cœur a retrouvé sa place au milieu de ma poitrine.»

 

« Au début, se rappelle-t-il, j’étais dans l’attaque des juniors B et Claude Cuny, assistant à l’une de nos rencontres sur un terrain stabilisé du club, un dimanche matin, me vit inscrire 8 buts. C’était contre Laneuveville. Le président vint me trouver et me demanda si j’en mettais souvent autant. Je lui ai répondu que je n’y attachais guère d’importance, et il me passa un premier savon !» La semaine suivante, La Rouye était incorporé parmi les juniors A.Coupe Gambardella, troisième division, Olivier gravit rapidement les échelons. «Je ne me posais jamais de questions, j’allais de l’avant», avoue Olivier qui appréciait les conseils d’Aldo Platini, chargé d’enseigner la bonne parole aux jeunes aspirants du club au Chardon. Olivier Rouyer, sans doute instruit par la remarque de Claude Cuny, est en mesure de faire connaître le nombre de buts qu’il a inscrits en division 1, dans l’exercice de sa profession: 81, avec un triplé contre Troyes (victoire 3 buts à 2).

 

Nancy, c’est sa ville ; l’ASNL, son nid. «À Nancy, on avait envie, on ne trichait pas, dit-il. Antoine Redin nous dirigeait de sa voix rauque et l’équipe le respectait. Il était notre guide.»

 

Platini a poussé Rouyer sur le bon chemin. Gamins, ils étaient complices, adultes, ils furent partenaires et Olive a tiré le meilleur parti possible du parrainage que lui adressa, sur le terrain, le futur capitaine de l’équipe de France. «Avec Michel, on a toujours échangé nos confidences. Ce que nous vivons dans la vie, nous en avons profité dans le jeu. Nous sommes unis comme les doigts de la main», explique Olivier pour qui il est évident que le plus grand des grands joueurs s’appelle Platini. «La comparaison avec Zidane n’a pas lieu d’être, casse Olivier Rouyer. Je pense que Zizou avait une meilleure élasticité de la cheville, ce qui l’a autorisé à manier le ballon comme il l’a fait. Mais tout le reste, c’est Michel qui le détenait dans son registre.»

Dix-sept sélections en équipe de France. Rouyer est, derrière Platini, le joueur nancéien le plus titré. Au bar Le Pinocchio, jamais il ne parle de ses lettres de noblesse. Jamais il n’évoque le but exceptionnel qu’il marqua à Sepp Maier, et qui lui permit de faire l’ouverture du 20 Heures, chez Elkabbach, au lendemain de ce France-RFA de légende, puisque les Allemands n’étaient plus habitués, depuis des années, à baisser pavillon devant les footballeurs français. Un tir mi-volée sur lequel le gardien allemand se détendit à l’horizontale sans pouvoir effleurer le ballon ! L’Équipe traîne sur les tables du bistrot, mais Olive n’a affiché ni photographies ni maillot qui le renverraient à ses souvenirs vieux de vingt ans.

 

«Je ne me prends pas pour le pape, garantit le buteur meurthe-et-mosellan. Dans le football, on est vite oublié. Il n’y a pas si longtemps, je me trouvais à Lille au côté de Bruno Cheyrou, à l’occasion d’un reportage programmé par Canal Plus. Cheyrou, reconnaissant en moi le consultant, demanda à être photographié à mes côtés. Le photographe s’exécuta volontiers, précisant au passage: “Tu as de la chance, Bruno, tu es pris avec un international.” Cheyrou se tourna vers moi et m’adressa cette question étonnée: “Ah bon, vous avez joué au foot ?” »

 

L’AS Nancy-Lorraine des années Platini était une armée de joyeux lurons. On n’a pas dit sans raison qu’il s’agissait du «lycée Papillon». «On n’a pas fait de conneries, coupe La Rouye. On avait une haute idée du métier qui était le nôtre et on s’astreignait à une hygiène de vie. Le père Redin n’aurait pas laissé faire.» Les pensionnaires du lycée, dont Rouyer était en quelque sorte le truculent intendant, c’étaient les Jeannol, Rubio, Perdrieau, Moutier, Chebel, Neubert, Raczinski, Curbelo, Caron, tous ces gars qui ont malgré tout donné à l’ASNL son premier titre majeur lorsqu’ils ont battu Nice en finale de la Coupe de France. «Nous, on a fait le boulot, et sans jamais se prendre au sérieux, fait savoir Olivier. Quand on était jeunes, on aurait ciré les chaussures des pros, s’ils nous l’avaient demandé.»
 

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"AS Nancy-Lorraine, des épopées et des hommes" par Christian Portelance est paru aux édition Alan Sutton. Il est toujours disponible au prix de 22€.

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